JO de Paris 2024 : Après les grandes constructions : les grandes expulsions




Déjà marquée par une politique anti-migrantes particulièrement raciste et violente, la France innove avec l’approche des JO. Depuis des mois, l’objectif est clair : vider Paris de ses sans-papiers et de ses SDF, quoi qu’il en coûte, en les expulsant de force dans des « sas régionaux » débordés, créés de toute pièce sans budget ou infrastructure. L’occasion également de revenir sur l’accueil déplorable des exilées dans le « pays des droits de l’homme ».

Lors de chaque Jeux olympiques de ces dix dernières années les personnes sans abris, ou autres populations jugées indésirables, ont été chassées de leurs lieux de vie. Ce fut par exemple le cas lors de ceux de Rio où de grandes opérations de répression ont eu lieu pour évincer des dizaines de milliers d’habitantes des favelas.

La politique « zéro point de fixation »

En France, depuis quelques années, notamment depuis la fin de la « grande jungle » de Calais, les personnes exilées sont victimes d’une nouvelle politique encore plus répressive qu’avant : la politique « zéro point de fixation ». Les expulsions sont quotidiennes et la plupart du temps sans solution de mise à l’abri. L’état contrairement à ce qu’il prétend ne fait preuve d’aucune humanité, mais plutôt d’une fermeté cruelle avec ces femmes, ces hommes, mais aussi, on l’oublie, ces nombreux enfants parfois seuls, parfois en famille. Le but n’est pas d’accueillir mais de dissuader par le trottoir : la rue est le premier accueil glacial qu’on réserve aux personnes venues demander l’asile en France.

Avec la politique d’orientation régionale et des conditions très strictes d’accueil des demandeurs et demandeuses d’asile, les personnes exilées étaient déjà surveillées, assignées à résidence dans une région qu’ils et elles n’ont pas choisi. En Île-de-France les campements se sont multipliés ces dernières années, à cause de l’ignoble règlement Dublin 3 qui fait parfois attendre plus ­d’un an des personnes dans la rue, de peur d’être renvoyées dans des pays d’Europe où on les expose à des traitements ­d’une cruauté sans nom. Et où comme par hasard, l’extrême droite est au pouvoir (Bulgarie, Hongrie...).

« Nettoyer » Paris pour les JO

Tout ça c’était avant les JO 2024 : désormais Paris doit être « propre », les nombreuses personnes sans abris doivent disparaître pour laisser places aux (très) riches touristes venues regarder des Jeux dont la moitié des franciliennes n’ont rien à faire. Un nouveau système encore plus pervers d’expulsion est donc mis en place : l’orientation forcée vers les sas régionaux, de nouveaux centres d’accueil créés pour accueillir les personnes évacuées de la région parisienne. Ces centres seront pérennisés après les JO pour « désengorger l’Île-de-France », la mairie de Paris les voit même « comme un acquis des JOP. ».

Nouveauté également, ils ne ­s’agit plus uniquement d’orienter les personnes étrangères : les sans abris de nationalité française sont également déplacées de force. C’est ce qu’il s’est passé à Orléans où le maire LR a déclaré en avril lors d’une interview télévisée que « Orléans n’a pas vocation à accueillir la "colline du crack" de Paris », suite à l’arrivée de plus de 500 SDF parisiens ces derniers mois. Aujourd’hui il ne s’agit plus d’être en situation de migration pour être expulsée vers une autre région, le fait d’être pauvre suffit.

Dans les « sas régionaux », un tri sans pitié

Désormais aucun hébergement ne sera proposé aux personnes en Île-de-France. Des bus partent donc vers ces centres où l’on trie sans pitié les situations : les personnes avec un titre de séjour sans emploi sont orientées vers le 115 de villes déjà saturées par les demandes d’hébergement ; les personnes sans papiers se voient proposer un hébergement uniquement si elles acceptent de retourner dans leurs pays d’origine (comme quoi, l’argent magique existe parfois).

Enfin les demandeurs et demandeuses d’asile se voient parfois envoyées dans un hébergement, parfois vers la rue, suivant si ils et elles sont bénéficiaires ou non des fameuses « CMA » (Conditions matérielles d’accueil). Une sorte de contrat pour toutes les personnes demandant l’asile comprenant un hébergement que les personnes ne choisiront pas (dans une région qu’elles ne pourront plus quitter) ainsi qu’une allocation délivrée par le biais d’une carte dite carte allocation demandeur d’asile, qui depuis quelques années ne permet plus l’accès à l’argent liquide : il ne faudrait surtout pas que des personnes envoient de l’argent dans leur pays, ni n’achètent des choses futiles avec leurs allocations…

Faire disparaître les SDF de Paris

Ce changement de système a été dénoncé par de nombreuses mobilisations, sans succès. Le manquement au règlement d’un hébergement peut aussi mettre fin à l’hébergement ainsi qu’à l’allocation. Les personnes perdent alors l’ensemble de leurs aides et pourront toujours faire une demande d’asile, mais en étant dans la rue, donc moins bien préparées aux entretiens, avec plus de problèmes de santé...

C’est ainsi que de nombreuses personnes se voient réveillées au petit matin par la police, montent dans des bus parfois sans en connaître la destination et se retrouvent dans des villes inconnues. Elles sont parfois remises à la rue dès leur arrivée, ou parfois deux jours après leur entrée au sas. Ces places de sas ne sont pas de nouvelles places « créées » exprès pour accueillir de nouvelles personnes : faute de budget on expulse parfois des familles de leur hébergement d’urgence, comme se fut le cas à Rennes, afin de pouvoir y déplacer à tout prix des personnes arrivant de campements parisiens.

Aujourd’hui selon Médecin du Monde seulement 60 % des personnes déplacées sortent des sas régionaux sans hébergement, ce qui prouve bien l’incapacité de l’État à vouloir trouver des solutions. Le but non avoué étant la disparition des SDF durant les JO. Le 115 dans ces villes étant toujours autant saturé, des campements s’y reforment. C’est le cas à Strasbourg où de nombreuses personnes arrivent, pour finir par dormir de nouveau dans la rue ou parfois retourner en Île-de-France.

Non aux expulsions à Strasbourg comme à Paris ! Papiers et hébergements pour toustes !

Thomas (UCL Alsace)


Dublin 3 : les douves de l’Europe forteresse

Troisième du nom, le règlement Dublin 3 est issu de négociations entre les différents pays de l’UE et de l’espace Schengen. Il stipule qu’en l’absence d’exceptions, le pays responsable de la demande d’asile est le premier État membre où sont conservées les empreintes digitales prises lors de l’enregistrement de la demande. Il s’agit donc de renforcer la forteresse Europe en externalisant les demandes d’asile sur les pays d’entrée, comme la Bulgarie, la Croatie ou l’Italie. Ce système conduit parfois des personnes à errer pendant des années en Europe afin d’obtenir une protection, il rallonge les procédures et contribue à la formation de bidonvilles dans le Calaisis ainsi que l’Île-de-France où des personnes préfèrent attendre dans la rue plutôt que de retourner dans des centres fermés (carcéraux de fait). Refuser un transfert peut amener a un placement en centre de rétention administrative (CRA) d’où les exilées sont transférées de force.

Certains pays d’entrée s’illustrent particulièrement dans l’ignominie et la cruauté envers les réfugiées, comme la Bulgarie où les migrantes sont détenues parfois arbitrairement dans des centres fermés pour le simple fait d’avoir voulu quitter le pays. Un usage disproportionné de la force ainsi que des tortures y ont été constatés par le Comité contre la torture de l’ONU après sa visite. Le gouvernement Pro-russe est farouchement opposé à l’immigration. Certaines nationalités y sont particulièrement discriminées comme les Afghanes, les Irakiennes et les Bengalies, avec des taux de refus d’asile atteignant 98,5 % pour les afghanes et près de 100 % pour les bengalies.

 
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