Histoire

Lire : Chueca, « Déposséder les possédants »




À la fin des années 1880, la grève générale s’est imposée au mouvement ouvrier français comme la méthode révolutionnaire par excellence, adaptée à l’ère industrielle, et devant supplanter les méthodes insurrectionnelles prisées jadis, de la Révolution française à la Commune de 1871.

Avant de triompher, cette idée fut pourtant au centre d’une controverse passionnée. Il y eut un temps où, dans le mouvement ouvrier, on ne pouvait être que pour ou contre. C’était le maître-étalon, la question sommitale qui vous rejetait dans un camp ou dans un autre.

Certaines fractions socialistes (réformistes, parlementaires ou marxistes orthodoxes) comprirent le danger. En prônant l’action directe de la classe ouvrière pour son émancipation, le « grève-généralisme » rendait inutiles les députés et autres représentants élus. Pour cette raison, d’autres fractions socialistes (antiparlementaires, anarchistes, insurrectionnels) furent au contraire ardemment grève-généralistes.

De part et d’autre, les arguments s’affûtèrent. Jules Guesde, Jean Jaurès et leurs épigones prirent la plume. Fernand Pelloutier ou Émile Pouget leur rétorquèrent avec brio.

Miguel Chueca ressuscite cette controverse avec une sélection de textes choisis. Et, comme à son habitude, il fait le point, en introduction, sur les interprétations historiographiques qui en ont été faites.

Un livre à méditer. On en tirera la conclusion que, pour redonner de l’allant aux mouvements sociaux d’aujourd’hui, il nous manque une idée du même calibre, ayant la même force évocatrice, fédératrice et mobilisatrice. Quelle pourrait être cette idée ? Son absence ne fait que creuser le lit d’un électoralisme déprimant.

Guillaume Davranche (AL Paris-Sud)

  • Miguel Chueca, Déposséder les possédants. La grève générale aux « temps héroïques » du syndicalisme révolutionnaire (1895-1906), Agone, 2008.
  • Textes d’Édouard Berth, Henri Girard, Jean Jaurès, Hubert Lagardelle, Paul Louis, Fernand Pelloutier, Émile Pouget, Georges Sorel et Henri Van Kol, réunis et présentés par Miguel Chueca.
 
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