Lire : Paraire, « La Révolution libertaire : Proudhon, Bakounine, Kropotkine »




La Révolution libertaire, de Philippe et Michael Paraire retourne aux sources, aux textes originels de Proudhon, Bakounine et Kropotkine, pour nous en offrir une sélection commentée, restituant à chacun sa part dans la construction de l’anarchisme. Proudhon préconise l’autonomie politique du prolétariat, le fédéralisme et l’autogestion, et débarrasse le socialisme de ses oripeaux mystiques ; Bakounine lui donne un souffle révolutionnaire et encourage – sans que le mot soit répandu – l’organisation syndicale des productrices et des producteurs ; Kropotkine parachève la doctrine, en préconisant une économie communiste-anarchiste plutôt que simplement mutualiste ou collectiviste.

Il faut remercier les auteurs pour le choix des trois théoriciens étudiés. Enfin un livre qui nous épargne cette scie qu’est la sainte trinité Stirner-Proudhon-Bakounine ! Loin d’être un « père de l’anarchisme », Max Stirner n’a en effet été découvert que tardivement par le milieu individualiste (une fraction dissidente de l’anarchisme) et n’y est devenu une référence que dans l’entre-deux-guerres, notamment via E. Armand.

Deuxième remerciement, celui d’avoir fait précéder la sélection de textes d’une bonne introduction biographique et critique, pour ne pas déconnecter les personnages de leur contexte historique et de leur cheminement personnel. Et le livre ne recule pas devant les questions hardies : que lire aujourd’hui des ces théoriciens ? Et comment les lire ?

Au vu d’un si bon travail, on ne peut avoir que deux regrets. D’une part, à cette étude des trois théoriciens primordiaux aurait pu s’ajouter celle d’un quatrième, Errico Malatesta, qui a aidé l’anarchisme à se moderniser après le double choc de 1914 et 1917, en remettant en cause certains aspects de la doxa kropotkinienne. Le communisme libertaire contemporain lui doit encore beaucoup. D’autre part, dans le classement thématique des textes, on aurait aimé un chapitre spécifique sur les femmes, même si ce thème transversal apparaît ailleurs en filigrane. Cela aurait permis de mesurer, sur ce sujet, la coupure radicale entre l’antiféminisme névrotique Proudhon et un Bakounine profondément marqué, lui, par son amitié avec George Sand et par le féminisme de la jeunesse révolutionnaire russe.

Guillaume Davranche (AL Paris-Sud)

  • Philippe et Michael Paraire, La Révolution liberaire : Proudhon, Bakounine, Kropotkine, Le Temps des cerises, 2008, 12 euros.
 
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