Ecologie

Monts d’Ardèche : Contre les dérives sectaires et la basilique ubuesque




Pour lutter contre le projet d’une basilique ubuesque en plein cœur de l’Ardèche, mené par une communauté sectaire, le collectif des Ami.es de la Bourges se mobilise. L’ambivalence des pouvoirs publics pose problème alors que se multiplient les études d’impact environnementales.

La Famille missionnaire de Notre Dame est une communauté catholique, comptant environ cent-cinquante membres, basée à Saint-Pierre-de-Colombier en Ardèche. Elle est surveillée par la Miviludes (mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) qui écrit en 2021 avoir des « inquiétudes sérieuses » à son sujet. En 2018, elle obtient un permis de construire pour entre autre une basilique, un parking et des logements.

La basilique en question aurait une capacité d’accueil de 3 500 personnes, et une surface au sol de 7 000 mètres carrés. Elle comprendrait en outre une chapelle de presque 50 mètres de haut. Des proportions qui semblent démesurées pour ce village de 400 habitants.

Le dossier pour ce projet est alors validé par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal). Pourtant, il est à l’intérieur du parc naturel régional (PNR) des monts d’Ardèche, où habitent et transitent des espèces à fort enjeux de conservation, ainsi que le souligne alors la brève étude environnementale réalisée.

Photo : Collectif Non à la basilique

Trois jours de ZAD en juin 2020

En 2020, après le début des travaux, s’ensuit une forte mobilisation, notamment du collectif Les Ami.es de la Bourges (nommé d’après la vallée de la Bourges). Des manifestations s’organisent, des actions en justices, et même une Zad, qui n’a duré que du 13 au 15 juin 2020 avant d’être dégagée par la force. Enfin, en octobre, la préfète reconnaît une « erreur administrative », et un arrêté préfectoral demande la suspension des travaux en attendant une nouvelle étude environnementale, plus complète.

C’est en novembre 2022 que la situation évolue à nouveau. Un nouvel arrêté préfectoral est prononcé qui abroge le précédent, et les travaux reprennent. En effet, la nouvelle étude environnementale est arrivée et juge que l’incidence du projet sur les espèces protégées serait mineure pour peu que certaines mesures d’évitement soient mises en œuvres  : remise en état des berges, coupe de la végétation en dehors des périodes de nidification, etc.

Il y a cependant plusieurs critiques à faire concernant cette étude. La première, et pas des moindres, c’est qu’il a été très difficile pour les opposants et opposantes au projet d’y avoir accès. Ce n’est qu’à la deuxième moitié de janvier 2023 qu’elle a été rendue publique, alors qu’il n’était possible de contester l’arrêté que jusqu’à la fin de ce même mois. « Nous allons avoir seulement quelques jours pour analyser des centaines de pages que l’administration a mis un an et demi à valider. » déclarait, dans Reporterre, Pierrot Pantel, ingénieur écologue à l’Association nationale pour la biodiversité (ANB). Certains opposants à la basilique voient dans ce retard une volonté délibérée de l’État de réduire leurs moyens d’actions.

Lorsque, enfin, le collectif a pu lire l’étude, celle-ci semblait biaisée en faveur de la reprise des travaux. « Entre la première et la dernière version de l’étude, les impacts finaux du projet sont passés de “faibles” à “négligeables” pour plusieurs espèces de papillons, de chauves-souris ou d’oiseaux, alors même que les mesures préconisées pour éviter ces impacts sont foncièrement les mêmes » déclare encore Pierrot Pantel, dans Le Monde cette fois.

La basilique en question aurait une capacité d’accueil de 3500 personnes et une surface au sol de 7000 mètres carrés.
Photo : Collectif Non à la basilique

Le PNR des monts d’Ardèche, quant à lui, regrette de ne pas avoir été consulté dès le début du projet, ainsi qu’il aurait pourtant dû l’être selon la charte du parc, signée par l’État et par la commune de Saint-Pierre-de-Colombier. La préfecture n’avait pas non plus informé le PNR de la reprise des travaux. Son président Dominique Allix dénonce ce manque de concertation et affirme lui aussi trouver des biais méthodologique dans l’étude. « Pas de concertation en amont, manque d’intégration des aspects paysagers, impacts sur la biodiversité, artificialisation des sols… Sans compter le vivre-ensemble » déplore-t-il dans Le Monde.

En février 2023, le collectif décide donc de saisir le tribunal administratif pour demander une nouvelle suspension des travaux, mais le juge des référés rejette leur demande.

Deux unions locales CGT participent au collectif

Loin de se décourager, le collectif des Ami.es de la Bourges prépare la prochaine étape de la lutte. Une journée de mobilisation est prévue le 8 avril à l’appel d’une trentaine d’organisations, syndicats et partis politiques opposés au projet. En parallèle, d’autres actions juridiques sont déjà engagées pour obtenir l’annulation du permis de construire.

Des manifestations s’organisent, des actions en justice, et même une ZAD qui n’a duré que du 13 au 15 juin 2020 avant d’être dégagée par la force.
Photo : Collectif Non à la basilique

On peut noter aussi que l’évêque de Vivier avait déjà interdit la construction de cette basilique en 2020 à cause de son « aspect démesuré », et que le Vatican a plus tard confirmé ce décret. Donc le projet pourrait aussi être abandonné pour des raisons internes à l’Église, même si c’est moins probable.

De plus, de nombreux élus locaux soutiennent la mobilisation, et font des motions à ce sujet dans leurs communes. Des députés ont également laissé entendre la possibilité d’ouvrir une enquête parlementaire.

Un travail de porte à porte,de discussions et de meetings

Ce qui fait la spécificité de cette lutte, c’est entre autre la diversité de ses acteurs. Parmi les soutiens de la mobilisation, on trouve des associations telles que La Libre Pensée qui se consacrent à l’anti-dogmatisme et l’anticléricalisme, d’autres plutôt spécialisées dans la défense de l’environnement, des partis politiques, des organisations anarchistes ou encore des syndicats (deux Unions départementales CGT, Ardèche et Drôme, soutiennent la mobilisation, ce qui fait une fois de plus un lien entre l’écologie et le monde du travail), qui réussissent à travailler ensemble en bonne intelligence, avec des grandes réunions unitaires et un fonctionnement démocratique. Les moyens d’actions déployés vont du recours juridique à l’occupation des lieux, en passant par des manifestations et rassemblements.

Tout cela s’accompagne d’un vrai travail de terrain, qui fait qu’à force de campagnes de discussions, porte à porte, meetings, quasiment toute la population se positionne contre la basilique.

Espérons que cette belle dynamique porte ses fruits, et que la mobilisation finisse par faire plier la préfecture.

Fabrice (UCL Bordeaux)

 
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