Culture

Lire : Kirpatrick Sale, « La révolte luddite »




L’arrivée des machines à vapeur allait bouleverser les rapports sociaux de l’ensemble de la société et entraîner une suite de révoltes des tisserands. Le mouvement luddite démarra en 1811, se généralisa en décembre pour finir en avril 1817.

Entre-temps se multiplièrent les bris de métiers. Des artisans, opposés à l’utilisation des nouvelles machines à vapeur, en vinrent à détruire les machines et à instaurer la terreur parmi les propriétaires de manufactures.

Les machines signifiaient l’arrivée d’une main-d’œuvre moins qualifiée d’où une réduction des salaires et une paupérisation de la population. Lié à cela, un effondrement de la qualité des productions et donc une atteinte à la réputation de leur métier.

La révolte luddite visait avant tout à préserver les salaires, les emplois et les métiers. Elle s’initia dans un marché touché par la crise. Les paysans abandonnaient leur campagne pour venir grossir le flot des miséreux dans les villes.

Le luddisme n’a rien d’une réaction spontanée et incontrôlée de violence contre les machines. Les innovations techniques permettant cet accroissement de la production provoquèrent un déséquilibre social de grande ampleur. La révolte dénonçait une technologie, la dépossession par les machines, mais pour autant peut-on en faire un plaidoyer à l’encontre du capitalisme industriel ? Une critique des méfaits technologiques ?

Le récit de Sale invite à poser des ponts avec des actes de refus des machines plus récents. C’est la thèse qui sous-tend son ouvrage. Peut-on le suivre jusque-là ? Peut-on considérer les luddites comme des ennemis de la technologie ? Non. Faut-il y voir un incompréhensible refus du progrès ? Non plus.

Affirmer que « Pour les luddites, l’aliénation est d’abord là, dans la matérialisation de la technique, dans la destitution de l’expérience, dans l’évacuation des humains » me semble aller un peu vite en besogne. La révolte luddite reste une révolte populaire, un temps de la lutte des classes. J’émettrai plus de réserves quant aux extrapolations transhistoriques que rien ne permet de justifier.

Dominique Sureau (UCL Angers)

  • Kirpatrick Sale, La révolte luddite, éditions de l’Échappée poche, janvier 2023, 328 pages, 13 euros.
 
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