Ecologie

Lutte anti-aéroport au Japon : L’écho d’une époque révolutionnaire




Le 15 février dernier, des affrontements entre policiers et paysannes et militantes politiques ont eu lieu aux abords de l’aéroport de Tokyo. Cela fait suite à une décision d’expulsion qui avait pour but de mettre fin à une lutte vieille de plus de cinquante ans qui a profondément marqué le paysage politique japonais.

Après une première tentative avortée, le gouvernement japonais choisit en 1966 de construire un tout nouvel aéroport international sur les terres paysannes de Sanrizuka dont une bonne partie appartenait à la famille impériale et le reste à des paysans et paysannes très pauvres supposées plus faciles à faire partir.

Au contraire, la rudesse de la condition paysanne locale et le fort esprit de communauté ont amené à la création de la Ligue d’opposition unifiée Sanrizuka-Shibayama contre la construction de l’aéroport de Narita avec le soutien des partis socialistes et communistes. La ligue lutta dès août 1966 contre les expulsions, qu’elles soient menées par l’argent ou la force.

Cette lutte prend place dans un contexte national particulièrement tendu. Le Japon est alors en proie à de nombreuses luttes sociales dans lesquelles les Zengakuren, de puissants syndicats étudiants, jouent un rôle clef. Ils ne tardent pas à rejoindre la lutte et apportent avec eux de nombreuses tactiques qui transforment le futur aéroport en champ de bataille. En effet, les refus de céder les propriétés vont mener à des escalades de violence d’une part puis de l’autre. Les terrains occupés se fortifient et les assemblées officielles deviennent des terrains d’affrontement.

Les années 1970 voient le début des travaux de l’aéroport et les premiers morts du coté de la police ainsi que dans l’opposition. L’aéroport sera péniblement achevé en 1977 et début 1978, non sans une puissante manifestation et un dernier saccage de l’aéroport avant son ouverture.

Pour comprendre cette lutte, il faut aussi comprendre le contexte général du Japon. Depuis 1955, le Japon est dans un système de démocratie à parti dominant où le Parti libéral démocrate (PLD) forme une classe de bureaucrates presque intouchable aux collusions avec des intérêts privés avérés. Ce parti né dans l’anticommunisme de la guerre froide a également servi de machine institutionnelle à recycler les figures du fascisme.

Les États-Unis refusant l’interdiction du Parti Communiste Japonais pour des raisons diplomatiques, il met en place progressivement un important arsenal répressif. La contestation, en particulier étudiante, n’aura d’autre choix qu’à son tour augmenter son niveau d’action pour résister face à un gouvernement inflexible et brutal.

À ce titre, la lutte de Sanrizuka fait figure de symbole. Elle a regroupé de vastes forces politiques intergénérationnelles durant la deuxième moitié de la période d’intense contestation sociale voire même au-delà. La construction de l’aéroport n’a d’ailleurs pas pu être complétée correctement, ses extensions ont été particulièrement difficiles à cause des paysannes qui ont réussi à conserver leur terrain et c’est sans compter les nombreux actes de sabotage qui ont émaillé les années suivantes.

L’expulsion de février est donc à comprendre dans cette continuité de la résistance. Cette défense pied à pied par les militantes et habitantes revêt encore un caractère économique de blocage des extensions de l’aéroport mais aussi un aspect symbolique.

Alors que le feu révolutionnaire qui a animé le pays s’est éteint, rares sont les possibilités de rappeler qu’il existe encore dans l’alliance entre étudiants, étudiantes, travailleuses, travailleurs, paysannes et paysans, une autre voie que l’autoritarisme du PLD. Nous saluons donc la résistance de nos camarades dont la lutte a su en inspirer de nombreuses autres.

Corentin (UCL Alsace)

 
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