Antipatriarcat

Réforme du RSA : Poursuite de la casse sociale




Alors que la pauvreté explose, le gouvernement a décidé de mettre le cap toujours plus à droite. Le programme de cette rentrée politique en témoigne, avec, entre autre, de nouvelles attaques contre les plus pauvres, avec des changements à venir pour le RSA. Analyse d’une réforme qui touchera particulièrement les femmes.

La Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale s’est emparée le 18 septembre de l’examen du projet de loi « pour le plein emploi ». Ce texte poursuit la logique destructrice des acquis sociaux entamée par Macron et son gouvernement lors de la réforme de l’assurance chômage puis de celle des retraites, et vient toucher les plus pauvres parmi les plus pauvres. Pour Emmanuel Macron, il est temps « d’aller chercher celles et ceux qui sont au RSA pour les aider et les responsabiliser ». Ce genre de discours occulte la réalité des parcours de vie qui amènent à avoir recours au RSA pour survivre (peu de diplômes, handicap, problèmes de santé, garde d’enfants impossible...) et le cercle vicieux qui empêche de s’en sortir.

Une « solidarité » qui exclue

Le Revenu de solidarité active (RSA) a été créé en 2008, remplaçant ainsi le Revenu minimum d’insertion (RMI), l’Allocation de parents isolés (API) et la Prime pour l’emploi. Son montant, de 607 euros pour une personne seule, ne permet en aucun cas d’avoir une vie digne, d’autant plus dans le contexte d’inflation que nous vivons depuis bientôt deux ans. On compte aujourd’hui 1,8 millions de foyers bénéficiant du RSA, soit 4 millions de personnes en comptant les conjointes et personnes à charge. En plus de devoir se serrer la ceinture, les bénéficiaires doivent répondre aux nombreux contrôles effectués pour soi-disant lutter contre la fraude sociale, qui, rappelons-le, était estimée à 351 millions d’euros, contre 14,6 milliards pour la fraude fiscale. À cela s’ajoute la pression exercée sur les rsistes pour re¬trouver un emploi à tout prix : s’ils et elles refusent pour une raison ou une autre deux emplois stables de suite, le RSA leur est tout bonnement retiré.

Contrairement à l’époque du RMI, le RSA permet de laisser une personne sans aucun moyen de subsistance. Pour les personnes étrangères, l’accessibilité au RSA est rendue encore plus compliquée : en plus des critères généraux, il faut avoir depuis au moins cinq ans un titre de séjour qui permet de travailler en France. Alors que les personnes bénéficiant du RSA sont de plus en plus stigmatisées, pointées du doigt comme « les assistées de la société », les moyens alloués à l’accompagnement à la recherche d’un emploi correspondant aux attentes de chaque personne est réduit à peau de chagrin. Résultat : une allocataire sur cinq n’est pas orientée après l’ouverture de ses droits et quatre allocataires sur dix bénéficient d’un accompagnement. De plus, on estime qu’un tiers des personnes éligibles au RSA n’en font pas la demande, découragées par les formulaires de demande ou trop éloignées des centres d’accueil de la Caf.

Façade du batiment du siège de la CAF (Caisse d’Allocations Familiales), Rue du Docteur-Finlay, Paris 15
Fabio Gargano, CC BY-SA 4.0 https://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0, via Wikimedia Commons

Réformer pour mieux exploiter

C’est dans ce contexte déjà très peu reluisant que le gouvernement a présenté son projet de loi « pour le plein emploi ». Bien que ce projet de loi ne concerne pas uniquement le RSA (il viserait également, par exemple, à faciliter l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap), de nombreuses mesures s’attaquent à cette aide. Trois changements principaux sont à attendre :

– chaque personne faisant les démarches pour obtenir le RSA sera obligatoirement inscrite sur la liste des demandeurs et demandeuses d’emploi.

– un contrat d’engagement obligatoire devra être signé, avec l’exigence d’une durée hebdomadaire d’activité au moins égale à 15 heures. À noter que ce type de contrat existe déjà (le Contrat d’exigence réciproque) mais n’est pas obligatoire.

– une sanction « de suspension-remobilisation » sera instaurée (si le bénéficiaire n’est pas assez docile aux yeux de France Travail par exemple). Alors qu’aujour¬d’hui, les sanctions sont examinées par une équipe pluridisciplinaire, si le projet de loi est adopté tel quel, c’est le conseiller seul qui pourra décider de suspendre ou de diminuer le RSA d’une personne.

Ces propositions ne sont pas nouvelles. Si Valérie Pécresse crie au plagiat car ces mesures faisaient partie de son programme nauséabond de campagne en 2022, on peut retrouver des idées similaires dès 2011, évoquées notamment par Laurent Wauquiez (actuellement président du Conseil Régional d’Auvergne Rhône-Alpes). Alors ministre chargé des Affaires Européennes, il revendiquait l’obligation de réaliser 5 heures de « services sociaux » par semaine pour toucher le RSA, mais également de plafonner à 75 % du SMIC le cumul des minimas sociaux pour lutter contre l’« assistanat », « le cancer de la société française » selon sa formule.

DR

Plusieurs questions se posent, au-delà de l’indécence du projet de loi qui anéantit tout droit à vivre dignement sans contrepartie. Comment, alors qu’aujourd’hui, on compte une conseillère pour environ 98 allocataires, ces contrats d’engagement vont-ils pouvoir se dérouler sereinement ? Comment les 40 % de bénéficiaires du RSA qui travaillent déjà vont-ils pouvoir effectuer ces heures  ? Comment justifier que recevoir 607 euros par mois pour 15 à 20 heures de travail par semaine correspond à rémunérer les allocataires à sept euros net de l’heure, contre neuf euros net pour le SMIC ?

À cela, nous n’avons aucune réponse. Notons également que la France n’est pas la première à s’attaquer au RSA. En Italie, Giorgia Meloni a choisi la date du 1er mai (journée internationale des travailleurs et travailleuses) pour annoncer le remplacement du revenu de citoyenneté (équivalent du RSA) par un « chèque d’inclusion », réservé aux familles ayant à leur charge des enfants, des personnes de plus 60 ans ou des personnes handicapées, plafonné à 500 euros par mois pendant maximum 18 mois.

Une réforme injuste pour les femmes

Les conditionnalités du RSA sont déjà en elles-mêmes injustes pour les femmes. En effet, le RSA est une allocation différentielle, c’est-à-dire que le montant versé au bénéficiaire est égal à la différence entre le montant maximal du RSA de base et les ressources du foyer. Pour tout euro supplémentaire de revenu, son montant diminue d’un euro. Son montant varie en fonction de la part plus ou moins importante des prestations reçues par le foyer. En effet, l’ensemble des ressources de la famille (revenus professionnels, prestations familiales, pensions alimentaires et revenus du patrimoine) est pris en compte pour le calcul des ressources servant à l’examen du droit au RSA.

Des demandes de RSA peuvent donc être refusées à des femmes parce que leurs conjoints gagneraient « trop », refusant par la même occasion une quelconque indépendance financière pour ces dernières. Mais la réforme ne va faire qu’aggraver ces injustices. En effet, la modification des conditions d’accès au RSA invisibilise tout le travail de care que peuvent effectuer les mères au foyer, et encore plus chez les familles monoparentales. Rappelons que les femmes seules avec un ou plusieurs enfants à charge représentent 29 % des bénéficiaires du RSA.

Comment alors trouver 15 à 20 heures dans sa semaine quand on doit élever, nourrir, loger ses enfants seule  ? Encore plus absurde, les conjointes des allocataires devront également effectuer les 15 à 20 heures de travail. Le dernier rapport de la fondation Jean Jaurès donne cet exemple : une salariée gagnant 480 euros en travaillant à mi-temps devra effectuer les 15 à 20 heures de « travail » tout comme son conjoint ou sa conjointe au RSA.

Cet exemple vient renforcer la revendication du mouvement féministe pour la déconjugalisation des droits sociaux. Que ce soit pour l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) ou le RSA, l’autonomie financière des femmes est une nécessité.

Les vrais assistés, ce sont eux !

Ce sont 65 % des bénéficiaires du RSA qui vivent sous le seuil de pauvreté. Les associations d’aide alimentaire tirent la sonnette d’alarme sur leur manque de fonds et le nombre grandissant de personnes venant toquer à leurs portes (les seuls Restos du Cœur ont annoncé avoir accueilli 18 % de personnes en plus en 2023 par rapport à 2022). De plus, 45 % des habitantes et habitants du pays ont du mal à payer des frais médicaux ou leurs factures d’énergie. En parallèle, la France n’a jamais compté autant de millionnaires. L’inflation que nous connaissons toutes et tous serait due pour la moitié à l’augmentation des bénéfices des entreprises. Entre 2011 et 2021, dans les cent plus grandes entreprises françaises cotées en bourse, les dépenses par salariée n’ont augmenté que de 22 %, tandis que les versements aux actionnaires ont augmenté de 57 %.

Le constat est clair : les véritables parasites de la société, ce sont les actionnaires des grandes entreprises, qui reçoivent des dividendes d’une valeur obscène sans jamais travailler, et plus largement les capitalistes, qui volent des milliards aux travailleurs et travailleuses et précarisent les emplois.

Zélie (UCL Le Havre) et Alexis (UCL Fougères)

 
☰ Accès rapide
Retour en haut