Culture

Lire : Plievier, « L’empereur partit, les généraux restèrent »




En 2021, les éditions Plein chant ont eu la bonne idée d’éditer une traduction en français de l’œuvre de l’écrivain allemand Theodor Plievier sur la révolution allemande de 1918.

Issu d’une famille pauvre d’un quartier ouvrier de Berlin, Theodor Plievier commence à travailler à l’âge de 12 ans, et s’intéresse très tôt à la littérature ainsi qu’à la politique. Il se met alors au service des idées libertaires qu’il développe. Au déclenchement de la Première Guerre mondiale, il est enrôlé de force dans la marine impériale allemande. En novembre 1918, alors âgé de 26 ans, il prend part aux mutineries des marins et au mouvement révolutionnaire qui fit chuter l’Empire allemand.

En 1932, paraît son « roman-documentaire », intitulé L’Empereur partit, les généraux restèrent, qui relate les premiers pas de la révolution allemande, qui se produisit entre la mi-octobre et le 9 novembre 1918, en se basant sur sa propre expérience, sur un travail historique, et sur près d’une centaine d’entretiens réalisés avec différents acteurs de l’époque.

La lecture de ce roman nous plonge d’un côté dans les sphères du pouvoir de l’Empire, et d’un autre avec les marins sur les navires de guerre ainsi que dans la classe ouvrière de Berlin. Elle subit alors les très difficiles conditions de vie que lui imposent la guerre, et une partie s’organise dans les syndicats et les partis ouvriers. On se retrouve ensuite là où tout a commencé, au coeur des mutineries des marins qui, le 4 novembre, finissent par prendre la ville de Kiel avec les ouvriers, par libérer les prisons, et par s’auto-organiser en comités et conseils de soldats et d’ouvriers.

Puis, on change de décor pour suivre l’extension de la vague révolutionnaire qui s’étend comme une traînée de poudre dans le nord du pays, au fur et à mesure que les troupes passent du côté de la révolution en fraternisant avec les marins sur leur passage. Enfin, nous arrivons à Berlin pour la journée du 9 novembre, la grève générale et l’insurrection qui mirent le coup de grâce à l’Empire, et dont le récit nous est fait quasiment heure par heure.

Cortège funèbre pour huit révolutionnaires tués à Berlin, 20 Novembre 1918
Robert Sennecke (1885–1940)

Sociaux démocrates contre révolutionnaires

Ce roman nous montre la dynamique extraordinaire que peut avoir un mouvement révolutionnaire, ainsi que le talent non moins extraordinaire dont peuvent faire preuve certains bureaucrates pour manipuler les illusions des exploitées qui se révoltent et les faire se retourner contre eux et elles. On y trouve une description précise des méthodes des dirigeants sociaux-démocrates majoritaires du SPD qui firent tout leur possible pour sauver l’ordre social capitaliste qu’ils prétendaient combattre.

À l’opposé, est aussi décrite l’action des révolutionnaires de la gauche des sociaux-démocrates indépendants de l’USPD, représentée par les Spartakistes, ainsi que celle des Délégués révolutionnaires des grandes usines de Berlin, qui firent de la prise du pouvoir par les conseils d’ouvriers et de soldats leur objectif prioritaire, pour faire aboutir une véritable révolution sociale et s’étendre la révolution mondiale commencée en Russie. Il nous montre également la vitesse avec laquelle peut se déclencher une révolution et s’enchaîner les évènements. D’où la nécessité vitale d’être solidement préparées.

Un livre utile pour les révolutionnaires d’aujourd’hui, puisqu’il contribue à nous donner la possibilité de tirer des leçons indispensables de notre histoire pour faire en sorte de ne pas reproduire les erreurs du passé.

Guillaume (UCL Angers)

  • Theodor Plievier, L’empereur partit, les généraux restèrent, éditions Plein chant, 2021, 348 pages, 21 euros.
 
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