Colombie : Les étudiants obtiennent une première victoire




Les étudiants colombiens, à l’instar des Chiliens, remettent en cause un système corrompu, une société rongée par l’impunité. En luttant pour un nouveau modèle d’éducation supérieure, ils ont obtenu une première victoire.

Réunis en assemblées générales dans plus de soixante universités, les étudiants colombiens se sont coordonnés de manière indépendante au niveau national dès les 20 et 21 août lors de la Mesa Amplia Nacional Estudiantil (Mane). Ils demandent le retrait d’une réforme qui vise à renforcer la privatisation des universités, et donc à diminuer les ressources publiques, qui ne représentent déjà que 50 % du financement de l’université colombienne. Étudiants et professeurs dénoncent la politique du gouvernement Santos et de ses prédécesseurs, qui privilégient le budget de la guerre (22 millions de pesos), au lieu de garantir celui de l’éducation (3,5 millions de pesos) et de la santé. Alors que seulement une petite minorité accède à l’enseignement supérieur, recourant pour la plupart à des prêts, les étudiants en lutte revendiquent « une éducation gratuite, publique et de qualité » (Mane).

Au fil de ces derniers mois, les manifestations ont grossi, réunissant plusieurs centaines de milliers de personnes dans le pays. Tandis que les 32 université les plus importantes sont bloquées, des actions se sont multipliées, comme la « Prise de Bogota » qui a réuni plus de 100 000 manifestants pour camper sur la place Bolivar (la plus grande de la capitale), le 10 novembre dernier.

Le gouvernement n’y va pas de main morte dans la répression, envoyant chars et Esmad (CRS) dans les universités, provoquant des émeutes. L’histoire des luttes étudiantes colombiennes est tâchée de sang, de disparitions et d’impunité, ce que les étudiantes et étudiants refusent de voir se reproduire, ils s’arment donc de « papas bombas » et autres projectiles explosifs pour repousser les forces de l’ordre.

La Mane dénonce également la stigmatisation de leaders, la désinformation des médias, la persécution et la répression du mouvement, ainsi que l’infiltration d’agents de police dans leurs actions.

[*Faux délits et assassinats*]

Face à l’ampleur de la lutte, le gouvernement a concédé le retrait de la réforme le 10 novembre dernier, sans toutefois mettre en œuvre de véritables garanties. La Mane a alors concédé une suspension des blocages, malgré les divisions internes quant à la tenue des promesses d’un gouvernement qui depuis des années fabrique de faux délits et falsifie des assassinats.

Cependant, les étudiantes et les étudiants ont continué la mobilisation le 24 novembre lors de la journée continentale pour le droit à l’éducation. En appelant à l’unité contre les manipulations du gouvernement, le mouvement montre que le combat n’est pas terminé et franchit un pas historique dans les luttes en Colombie. Il a le mérite de poser le débat sur l’éducation, mais également sur le fonctionnement de la société, en remettant en cause un pouvoir autoritaire à la botte du capital, tout en amenant la classe populaire à réfléchir depuis la base.

« Ceux qui croient à fond à la nécessité de renverser l’ordre établi et de changer les structures sociales, savent que l’éducation pour le peuple est un pilier fondamental dans la possibilité d’ouvrir le chemin à ceux qui n’ont ni toit ni voix. Un mouvement étudiant fort, organisé, uni, critique, qualifié, c’est l’opportunité pour les secteurs populaires, de donner le premier pas pour renverser l’oppression, rompre le silence. » écrit Jairo Andrés Rivera H., représentant étudiant.

Camille (AL Toulouse)

 
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