Échos d’Afrique : L’Onu, c’est pas Robin des bois




Afin de pouvoir prétendre agir pour les plus pauvres de la planète, les Nations unies se dotent de programmes et d’objectifs qui créent les cadres dans lesquels pensent et agissent tous les organismes d’aide au « développement » : agences de coopération, grosses ONG, banque mondiale et FMI inclus.

Toutes ces structures disent lutter contre la pauvreté, dont elles ont une vision principalement technique. En 2000, l’ONU avait pondu 8 objectifs du millénaire pour
le développement (OMD), fixant pour 2015 ses ambitions en matière de lutte contre la pauvreté. Il s’agissait pour la plupart d’entre eux de « réduire de moitié le nombre de personnes... » vivant avec moins de 1 dollar par jour, ou n’ayant pas accès à l’eau, ou à l’éducation, etc.

Pour généreux et ambitieux qu’ils aient pu paraître, ces objectifs étaient cependant critiquables sur divers aspects, et notamment leur approche uniquement quantitative et technique, sans aucune considération politique. Tout d’abord, les critères ne visent que les populations démunies, sans jamais prendre en compte les inégalités… et je ne parle pas de cibler les grandes fortunes !

Le revenu de 1 dollar par jour correspond à des situations extrêmement différentes selon les contextes, pays, entourages… Les Gabonais vivent pour beaucoup avec plus de 1 dollar par jour, mais sous le joug d’une dictature qui génère des inégalités et de la violence. Et quand les écoles enseignent à la gloire d’un régime despotique, est-il vraiment judicieux d’en construire d’avantage ?

En 2015, le bilan officiel des OMD est globalement positif, mais il constate en même temps que les plus vulnérables ont été laissés de côté, et que les changements climatiques sont déjà en train de saper les quelques progrès réalisés… alors pour les 15 années qui suivent, on repart pour 17 objectifs de développement durable (ODD), à peu près dans le même esprit que les OMD, mais incluant cette fois la lutte contre les inégalités (toujours sans toucher aux riches bien sûr).

De même que l’accord de Paris sur le climat signé la même année, cet accord confie explicitement un rôle majeur aux multinationales dans l’atteinte de ses objectifs.
Les entreprises françaises ont sauté sur l’occasion pour communiquer
sur leur engagement pour les ODD dans le cadre de leurs politiques
de « responsabilité sociale et environnementale ».

Heureusement pour elles, les ODD ont un caractère non contraignant
et consensuel, qui évite d’aller regarder d’autres de leurs activités qui font reculer ces objectifs et sur lesquelles elles ne communiquent pas !

Au delà de l’avantage en terme d’image, les ODD servent aussi
à légitimer les privatisations et les partenariats public-privés… alors que les notions de démocratie, de liberté d’expression, de justice indépendante sont toujours absentes des objectifs.

Il s’agit une fois de plus de proposer des réponses techniques et consensuelles à des problèmes qui sont éminemment politiques.

Noël Surgé (UCL Carcassonne)

 
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