FAU : Révolutionnaires au cœur des luttes




La FAU est une organisation bien implantée dans de nombreux syndicats. Illustration avec le Suatt, celui des taxis et opératrices de téléphone.

Dix ans déjà qu’Ignacio et Alvaro sont syndiqués au Suatt (Sindicato unico de automoviles con taximetro y telefonistas [1]), dix ans qu’ils conduisent chacun le même taxi.

Le SUATT mène de nombreuses luttes pour un salaire fondé sur huit heures de travail par jour et non sur une productivité qui pousse les chauffeurs à conduire durant douze ou treize heures par jour pour disposer d’un salaire correct. Mais le syndicat mène aussi campagne pour que ces augmentations salariales soient payées par les patrons, et non par les usagers à travers des tarifs plus élevés. Le transport doit être au service de la population et donc à des prix accessibles à tous.

Un changement de société contre la violence

L’insécurité est une inquiétude quotidienne pour ces travailleurs et travailleuses qui se déplacent dans tous les quartiers, à toutes heures du jour et de la nuit, avec des sommes parfois importantes : à Montevideo, huit chauffeurs ont déjà été assassinés. Le Suatt ne se trompe pas de cible, la violence est une conséquence du chômage et des injustices sociales à laquelle il faut répondre par un changement de société et non par des mesures dites « sécuritaires ».

Ainsi que tous les syndicats en Uruguay, le Suatt est affilié à la seule confédération syndicale, la PIT-CNT (Plenario Intersindical de Trabajadores - Convención Nacional de Trabajadores)  [2]. Depuis la victoire du Frente Amplio
 [3], la PIT-CNT n’est que la courroie de transmission du gouvernement de « gauche », comme au Brésil la CUT depuis celle du PT.

Cependant, créer une autre centrale syndicale leur paraît inapproprié, voire « dangereux ». Il faut dire que dix ans de travail de terrain, de syndicalisme de base, ont fait que leur liste anarchosyndicaliste a la majorité des sièges au sein du secrétariat du syndicat. Car, comme souvent dans ce qu’on appelle un peu rapidement « syndicat unique », il y a lors des élections tant internes au syndicat que pour celles des délégué-e-s en entreprises, plusieurs listes, aux orientations et pratiques syndicales très diverses.

Un des sièges du secrétariat syndical est occupé par une camarade téléopératrices, ce qui n’était pas gagné d’avance ! Tous les chauffeurs de taxi employés ou propriétaires de leur véhicule sont des hommes, toutes les opératrices des femmes. Au-delà des inégalités ancestrales de salaire, de fonction, d’avancement, etc., entre les hommes et les femmes, se greffe dans ce secteur le fait que les opératrices restent « au chaud au bureau » auprès du patron. Elles étaient perçues par les chauffeurs comme des « collaboratrices » au service du patronat, ne faisant jamais grève et avec un taux de syndicalisation nul.

Une pédagogie acharnée auprès des opératrices, mais également auprès des chauffeurs, a été nécessaire pour qu’une prise de conscience de classe puisse se produire et qu’une femme soit élue au secrétariat.

Au sein de la PIT-CNT, le Suatt fait partie de l’Unión Nacional de Obreros y Trabajadores del Transporte [4] (Unott), qui permet parfois des actions communes à l’ensemble des travailleurs et travailleuses des transports, mais est sur une ligne assez modérée. Le Suatt n’est pas le seul syndicat où les membres de la FAU exercent une influence certaine ; ce n’est pas non plus un syndicat anarchosyndicaliste ; mais il illustre au quotidien, par ses revendications, ses luttes et sa propagande, un des fronts par lesquels les libertaires de la FAU peuvent peser dans le mouvement social uruguayen d’aujourd’hui.

Abóbora (Playa Verde)

[1Syndicat unique des voitures ayant un taximètre (« taxis ») et téléopératrices.

[2Intersyndicale plénière des travailleurs – Convention nationale des travailleurs. Son nom actuel provient d’une part de la Convention nationale des travailleurs (CNT) créée en 1964, et interdite après le coup d’État du 27 juin 1973, d’autre part de l’Intersyndicale plénière des travailleurs (PIT), créée en 1982, alors que la junte militaire accordait une libéralisation relative du régime.
Le 1er mai 1984, la confédération reprit son nom initial de CNT, sans abandonner le sigle PIT. La PIT-CNT compte aujourd’hui 64 fédérations syndicales, avec 200 000 affilié-e-s.

[3Le Front large (Frente amplio en espagnol) est un mouvement politique uruguayen fondé en 1971, rassemblant du Parti démocrate chrétien au Parti communiste et au Mouvement révolutionnaire oriental (MRO). Il fut rapidement rejoint par le Mouvement du 26 mars, fondé par les Tupamaros. Bien entendu, il a été interdit pendant la dictature. Après le succès massif de 2004, qui mena Tabaré Vázquez à la présidence, le Front large a de nouveau remporté les élections de 2009 (Pepe Mujica devenu Président) et 2014 (retour de Tabaré Vazquez).

[4Union nationale des ouvriers et travailleurs du transport.

 
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