8 mars

Le 7 mars, on fait grève, le 8 on continue, le 9 on remet ça !




Depuis plus d’un mois que nous sommes engagées dans la lutte contre la réforme des retraites, les thématiques féministes se sont imposées dans le débat public : précarisation au travail, carrières hachées, retraites misérables. Alors, cette année particulièrement, le 8 mars apparaît comme un point d’étape décisif dans la lutte pour notre émancipation collective.

Deux journées de grèves consécutives se dessinent pour les mardi 7 et mercredi 8 mars. Le 7 mars pourrait être le point de départ de la grève reconductible. Car cette fois il ne s’agit pas de s’arrêter à une journée mais de continuer le lendemain, le surledemain et... et ça tombe bien, car le 8 mars c’est la journée internationale de lutte pour les droits des femmes, l’étape que nous attendons vers la grève générale. Cette date prend davantage cette année un sens particulier car les femmes seront les premières victimes de la réforme des retraites. Les analyses féministes permettent de faire apparaître un lien étroit entre l’exploitation domestique des femmes et leur exploitation salariale, et de faire apparaître un continuum de la précarité : double journée – demi salaire – demi retraite. Ainsi, si les femmes sont les plus touchées par cette réforme, c’est qu’elles sont les plus précaires et les moins payées, elles le sont en raison notamment de la division genrée du travail domestiques et du travail de reproduction.

Exploitation salariale, exploitation domestique

 Les femmes ont 40% de retraites en moins que les hommes, et on peut ajouter pour les plus sceptiques que les inégalités ne sont pas en train de disparaître avec les générations qui arrivent. Dans les projections les plus optimistes c’est encore 16% d’écart en 2037.
 19% des femmes (contre 10% d’hommes) sont déjà contraintes de pousser jusqu’à 67 pour partir sans décôte.
 82% des travailleureuses à temps partiel sont des femmes.
 Depuis 50 ans, la durée de carrière validée baisse car le niveau d’étude augmente et la précarité des emplois aussi.
 Le salaire moyen des femmes est inférieur de 22% à celui des hommes
 50% des travailleuses sont cantonnées dans 10 professions sous payées dites féminisées.
 2/3 du travail domestique est réalisé par des femmes.

Ainsi, la double journée et l’exploitation domestique des femmes est toujours d’actualité. Et cela impacte fortement le monde du travail. Par exemple, ce sont encore très majoritairement les mères qui s’ajustent aux naissances (baisse du temps de travail, interruption d’activité) et connaissent ensuite des difficultés à retrouver un poste équivalent voire un poste tout court.

Violences économiques, violences conjugales

De fait, ce cantonnement à la sphère domestique, souvent contraint et étroitement lié à la précarité des postes occupés par les femmes, a des conséquences dramatiques sur l’indépendance et l’autonomie financière des femmes, principales concernées par les carrières hachées. Et donc, par ricochet, principales concernées par des retraites misérables. Le patriarcat est tellement habitué à compter sur le travail gratuit des femmes pour fonctionner que lorsqu’elles occupent des emploi qui sont dans la continuité, sous forme salariée, du travail domestique (métiers du soin et de l’aide à la personne, de l’éducation, de nettoyage etc.), elles sont sous-payées, précarisées, et leur fonction sociale dévalorisée.

Ces métiers, pourtant essentiels à la
société, sont aussi à très forte pénibilité et la cause du développement de nombreuses maladies professionnelles. Combien de temps les femmes devront-elles sacrifier leur vie au profit de celles des autres ?
L’appauvrissement structurel des femmes et leur dépendance aux revenus de leur conjoint fait que les femmes seules vivent dans une grande misère, et en particulier en fin de vie : une femme seule de plus de 65 ans sur 6 vit sous le seuil de pauvreté. Cette violence économique doit par ailleurs être reliée à la violence conjugale. À tout âge, la précarité empêche de fuir les conjoints violents. Les retraitées représentent d’ailleurs 21% des féminicides. Combien de temps les femmes devront-elles encore choisir entre vivre dans la misère ou rester dépendantes d’un homme parfois violent ?

Violences contre les LGBTI

Un autre enjeu des mobilisation antipatriarcales du 8 mars a été mis sur la table : la lutte contre situations de discrimination que vivent les personnes LGBTI au travail, qui demeurent particulièrement élevés. D’après la CGT, 1 personne sur 3 a subi de la discrimination dans les 5 dernières années, 11% des actes homophobes signalés ont eu lieu au travail, et 47% des personnes LGBTI victimes de discrimination, le sont au moment de l’embauche ou sur leur lieu de travail. L’Ifop, dans son Baromètre 2022 sur l’inclusion des personnes LGBT+, pointe des inégalités dans le déroulement de carrière pour 20 % des LGBT+. Le 17 janvier 2023, le collectif les inverti-e-s a publié une tribune qui fait le point sur toutes les difficultés spécifiques rencontrées par les personnes LGBTI au travail. Nous reprenons ici une partie de leurs analyses.

« Des études démontrent que les inégalités salariales subsistent pour celles et ceux qui font leur coming-out en milieu professionnel et cela se répercute sur les montants de nos retraites. De l’orientation professionnelle en milieu scolaire aux évolutions de carrière, en passant par les difficultés d’accès à l’embauche, le parcours de vie des LGBTI est jalonné par les violences subies, allant jusqu’à l’exclusion de l’emploi avec des périodes de chômage qui impactent nos durées de cotisation. Les personnes vivant avec le VIH, les personnes trans ou les personnes racisées sont encore plus exposées à ces refus d’embauche, ruptures de carrière et difficultés d’évolution professionnelle ».

Vers l’alliance syndicale, féministe et LGBT

Ainsi, si le mouvement social que nous sommes en train de vivre et de construire a une nouvelle fois démontré que les femmes sont toujours les plus impactées par les réformes des retraites successives, il a aussi permis de voir émerger les revendications et les cortèges LGBTI. Il est important de construire des cortèges qui unissent organisations féministes, LGBTI et syndicats, afin de porter des revendications autour
des violences sexistes et sexuelles au travail et en dehors, contre les LGBTIphobies et leurs conséquences matérielles, et, de manière générale, contre l’alliance destructrice du capitalisme et du patriarcat. C’est aussi dans ces cortèges, et les AG qui préparent nos journées de grève, que pourra progresser la construction d’une conscience féministe à une échelle de masse. Les luttes des femmes et personnes LGBTI sur les questions du travail sont des luttes au caractère pleinement féministe, et sans les travailleuses, le syndicalisme de masse et de classe ne pourra pas gagner.

Nous avons cette année une opportunité historique de faire front toutes et tous ensemble, saisissons-la !

Anne (UCL Montpellier)

 
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