Antipatriarcat

Comprendre les transitions de genre : Accès aux soins, un véritable parcours du combattant




En France en 2018, 36 % des personnes trans ont subi des discriminations de la part du milieu médical, un chiffre en hausse. Un problème commun à toute la communauté LGBTI, mais qui revêt une forme et une importance particulière pour une population dont la santé mentale et la qualité de vie dépendent crucialement de l’accès au soin. Troisième article de la série.

Dans de nombreux pays, l’accès à la transition médicale se fait principalement via des « cliniques du genre » spécialisées, aux files d’attente longues de plusieurs années et connues pour leurs pratiques archaïques, obstructionnistes voire dangereuses.

La France n’est pas en reste, avec ses « parcours pluridisciplinaires » (comprenez par là que plusieurs mois de psy sont obligatoires avant tout traitement). Ces structures requièrent souvent de se conformer à tous les stéréotypes de son genre ressenti, d’être hétérosexuelle, voire d’avoir un physique « acceptable ». Les dosages d’hormones prescrits sont souvent trop bas (parfois au point d’un danger pour la santé) et les examens invasifs inutiles y sont courants.

Il est de nos jours plus simple de trouver des médecins en libéral aux pratiques acceptables, mais ceux-ci restent rares, et certains subissent des pressions de l’Ordre des Médecins. Il y a aussi une forte disparité géographique, que le recours à la téléconsultation ne peut combler entièrement.

L’une des principales activités des associations trans est de faire circuler des noms de praticiens, une pratique utilisée y compris pour les soins usuels, tellement les discriminations et les violences médicales sont répandues.

La santé des personnes trans est en proie à des logiques capitalistes pernicieuses, qui prennent appui sur les défaillances du service public et sur la détresse des patientes. On observe ainsi une flambée des prix chez les chirurgiens du privé, qui promettent des délais réduits via leur clinique et une compétence difficile à trouver dans le public, au prix de plusieurs milliers d’euros.

Une médecine à deux vitesses

Côté sécurité sociale, si des mesures existent, tout est loin d’être parfait. Quand la CPAM ne fait pas obstruction, une personne trans peut obtenir une reconnaissance d’Affection Longue Durée (ALD), qui permet la prise en charge des soins en lien avec sa transition à hauteur de la base de remboursement sécu. Pour l’épilation définitive par laser, cette base est trop faible, représentant un tiers ou un quart des frais avancés : comptez un bon millier d’euros de votre poche pour traiter le seul visage (le torse étant bien plus cher). Pour les chirurgies, la CPAM requiert une entente tri-partite : un aval de psychiatre et d’endocrinologue en plus du chirurgien, et ce malgré la dépsychiatrisation de la transidentité en 2010 [1].

Il reste beaucoup de chemin d’ici à un réel accès aux soins pour les personnes trans. Un chemin sur lequel on avancera par la lutte, la prise en main collective de notre santé, et par un long travail pour faire rentrer la santé trans dans les cursus de médecine. Sur tous ces points, saluons en particulier le Réseau Santé Trans (ReST) et le Planning familial, pour leur indispensable travail de formation et de prise en charge.

Chloé (UCL Grenoble)

[1Décret n° 2010-125 du 8 février 2010

 
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