Syndicalisme

Santé : Clinique privée, mais grévistes réquisitionnées par l’État




À la clinique Floréal de Bagnolet (93), propriété du groupe Almaviva, on souffre du sous-effectif et des mauvais salaires. Mais la direction a eu de son côté l’ARS et la préfecture pour l’aider à briser la grève.

À Floréal, l’exaspération ne retombe pas. Un indice ? Aux élections de février, la CGT a raflé tous les sièges au CSE (Comité social et économique) ; la CFDT a été rayée de la carte. Et la relance du conflit flotte dans l’air.

La précédente grève, menée en novembre-décembre à l’occasion des négociations annuelles obligatoires (NAO) sur les salaires, avait été marquée par un douloureux coup de théâtre. À la demande de l’Agence régionale de santé (ARS), le préfet avait réquisitionné quarante grévistes sur quatre-vingt, puis vingt-deux quelques jours plus tard. Étrange, trois mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire  ! La CGT a déposé un recours.

Sur le piquet de grève, c’était l’indignation. « Ces réquisitions sont un scandale, mais on ne lâchera rien  ! » affirmait alors la déléguée syndicale, Marie Melgire, aux collègues rassemblées dans le froid avec des Thermos de café, une tablée de viennoiseries et le camion sono de l’UD-CGT 93.

Fonds d’investissement koweïtien

Tout s’est dégradé à la clinique Floréal depuis qu’au printemps 2021 la famille Gambaro a cédé l’établissement à Almaviva, quatrième groupe de santé privé en France, contrôlé à 60 % par un fonds koweïtien. On est passé d’une gestion plutôt paternaliste à un management brutal et pressé d’obtenir du retour sur investissement.

Le personnel, en partie vacataire, a commencé à déguerpir – près de quarante-six départs en un an selon la CGT –, le sous-effectif a fait exploser la pénibilité, et les recrutements sont freinés par une réputation en berne. Pour le constater, il suffit de consulter un métamoteur de recherche comme Indeed.com où – magie de notre époque connectée – les salariées notent leur boîte. Dissuasif, en ces temps où les professionnelles de santé sont une denrée rare  !

La rémunération est au cœur du mécontentement. Avant la cession, les salaires étaient bas, mais compensés par une prime annuelle. La nouvelle direction l’a supprimée, au motif (curieux) que le bénéfice avait fondu. Pour le vérifier, le CSE a déclenché un droit d’alerte économique et mandaté un cabinet d’expertes.

Mais après tout, la prime, c’est une forme de rémunération pernicieuse, parce que non pérenne et excluant les cotisations à la Sécu. À la place, la CGT a donc revendiqué du solide : une hausse de 200 euros brut pour toutes et tous, et un treizième mois. Réponse de la direction : « dialogue social » par devant, et réquisition préfectorale par derrière !

En décembre, après la suspension de la grève, la direction a concédé une augmentation de salaire… puis a fait volte-face... en annonçant le retour de la prime, mais toute rabougrie ! Refus outré, situation bloquée en attendant que la direction fasse des offres sérieuses. Les médecins mêmes commencent à s’impatienter ; seraient-ils et elles entraînées par une nouvelle grève ?

La situation souligne en tout cas le scandale que constitue le maintien d’un secteur privé lucratif dans le système de santé : on y travaille pour enrichir des actionnaires, mais le droit de grève y est restreint au nom du service public ! On marche sur la tête.

Socialisation et autogestion du système de santé !

Guillaume Davranche (UCL Montreuil)

 
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