Culture

Lire : Bihr, « Face au Covid-19, nos exigences, leurs incohérences »




Quelles failles du système capitaliste a révélé l’apparition soudaine et brutale du Covid-19, et comment les exploiter.

La crise déclenchée par la pandémie de Covid-19 constitue un double défi lancé à toutes les forces anticapitalistes. Défensivement, elles doivent anticiper la mise en œuvre des nouvelles modalités de domination capitaliste, celle-ci ayant été déstabilisée par cette séquence et se trouvant forcée à se renouveler.

Offensivement, elles doivent tirer profit de l’affaiblissement conjoncturel du pouvoir capitaliste pour faire évoluer le rapport de force en leur faveur. Dans cet opuscule percutant, Alain Bihr propose d’abord une analyse de différents aspects de cette crise.

Il explique comment la pandémie a rappelé que la santé est d’abord un bien public, malmenée globalement par le fonctionnement du système capitaliste, comment elle a ébranlé la production capitaliste, plaçant les gouvernants entre les impératifs de la poursuite de l’activité économique et ceux de la protection de la population, comment des mesures gouvernementales furent mises en place pour produire une vaccination massive.

La crise a dévoilé que la mondialisation n’a nullement rendu caduques les États, et révèle la contradiction radicale existant entre la poursuite du mode capitaliste de production et le maintien des conditions écologiques d’existence de l’espèce humaine et de la plupart des autres espèces vivantes.

Ouvrir des brèches pour une rupture révolutionnaire

Alain Bihr dépeint ensuite trois scénarios de ce qui pourrait advenir. Dans le premier, le rapport entre capital et travail reste le même, entrainant une aggravation de l’ensemble des politiques néolibérales antérieures, un durcissement du modèle de « l’entreprise fluide, flexible, diffuse et nomade », la précarisation toujours plus grande des conditions d’emploi et un renforcement du régime de restriction des libertés publiques afin de prévenir les mouvements sociaux.

Le second scénario implique que ces derniers ciblent l’ensemble des politique néolibérales et surtout qu’ils s’avèrent en mesure de rééquilibrer l’actuel rapport de force capital-travail. Ils pourraient mener à un nouveau compromis  : le Green New Deal. Celui-ci mènerait entre autre à la création d’emplois, à une hausse des salaires réels, une augmentation de la dépense publique en faveur de la protection sociale ainsi qu’une « démondialisation » partielle du procès immédiat de reproduction du capital.

Ceci demeure peu plausible tant en raison de la faiblesse de notre camp pour imposer un tel compromis qu’en raison de la baisse tendancielle des gains de productivité dans les économies centrales qui rend impossible le financement à la fois de la valorisation du capital et de la hausse des salaires réels, ainsi que l’augmentation des dépenses publiques. Surtout, ce Green new deal serait incapable de résoudre la contradiction entre la nécessaire reproduction élargie du capital et les limites de l’écosystème planétaire.

Le dernier scénario implique de parvenir à ouvrir des brèches en vue d’une rupture révolutionnaire. L’auteur propose un ensemble de revendications et de mesures, parfois communes au scénario précédent mais susceptibles dans leur radicalité de constituer une rupture avec le fonctionnement capitaliste.

Celles-ci visent à construire des nouvelles pratiques et structures d’émancipation sous la forme de contre-pouvoirs, et à imposer des mesures de contrôles populaires sur la production.

Cette analyse, à la fois détaillée, solidement étayée d’un point de vue théorique et ancrée dans les réalités concrètes est une excellente base de discussion et d’action pour toutes celles et ceux qui, comme Alain Bihr, détournant les mots de Rosa Luxembourg, pensent qu’on se trouve aujourd’hui devant une alternative radicale : le communisme ou la mort.

Camille (UCL Paris nord-est)

  • Alain Bihr, Face au Covid-19. Nos exigences, leurs incohérences, Syllepses, 2021, 96 pages, 5 euros.
 
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