Culture

Lire : Elena Aguilar Gil, « Nous sans l’Etat »




L’autrice analyse l’État sous un angle sociopolitique et note l’omniprésence et l’omnipotence de ces structures de morcellement en des entités nationales, dotées d’un cadre légal de contrôle de l’ensemble des interactions sociales des populations.

Elle s’intéresse aux langues régionales et nationales et au travail latent de ces dernières pour contrôler, détruire ou borner les premières, comme le soulignait cette déclaration de l’Académie française de juin 2008 affirmant péremptoirement que «  les langues régionales portent atteinte à l’identité nationale  ». À travers cet exemple, Yásnaya Elena Aguilar Gil montre «  la nécessité pour les États-nations modernes de construire un récit identitaire unifiant et s’appuyant invariablement sur la construction d’une société unilingue  ». Cette tendance est d’autant plus forte aujourd’hui à travers la résurgence des discours obscurantistes identitaires.

Au delà du constat de la domination linguistique, ce livre aborde l’existence d’autres possibles. Yásnaya Elena Aguilar Gil elle-même est interpellée par la monoculture de l’État-nation parce qu’elle est issue d’une «  structure socio-politique dotée d’un auto-gouvernement en rotation constante et élue par la plus haute autorité, l’assemblée communautaire  ».

Questionner de nouveau cette «  idée que l’État est la seule option possible en matière d’organisation de la vie des sociétés  » ; montrer que cette idée détruit «  la capacité d’imaginer ne serait-ce qu’une vie différente  », et conceptualiser l’organisation sociale sans l’État comme «  la manière naturelle de gérer la vie en commun  »  : tel est l’objectif de ce livre.

Un ouvrage à méditer, ne serait-ce que pour ce regard ethnographique sur une civilisation bien étrange  ; celle où nous vivons.

Dominique Sureau (UCL Angers)

  • Yásnaya Elena Aguilar Gil, Nous sans l’État, Ici bas, 2022, 144 pages, 15 euros
 
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