Culture

Lire : Gautier, « Les extrêmes droites en France, de 1945 à nos jours »




Cet ouvrage, bien qu’ancien, est précieux : il nous narre l’histoire des extrêmes droites en France depuis la Libération jusqu’aux années 2008. Les extrêmes droites  : le pluriel signifie le projet premier de ce livre, qui vise à montrer que parler d’extrême droite au singulier est inexact, la réalité n’étant en rien unique et homogène. Une fois circonscrit le phénomène, l’auteur retrace les chemins de ces mouvements, leurs contradictions et déchirements internes.

Les extrêmes droites forment un ensemble indéterminé, incohérent, difficile à cerner. Les différences sont multiples entre les catholiques intégristes et les militants se revendiquant de cultes païens, entre les monarchistes, les régionalistes, les bonapartistes, les partisans d’un État fort, les fascistes et les nostalgiques du IIIe Reich.

Ces nombreuses oppositions idéologiques devraient irrémédiablement séparer ses membres et cela se produisit régulièrement en interne, mais il n’en demeure pas moins que leurs idées s’inscrivent fortement dans le paysage politique. C’est peut-être cela le plus redoutable  : la banalisation d’un corpus d’idées détestables.

Partant de la période de l’épuration après la Libération, l’auteur parcourt les années 1944-1968, où la guerre d’Algérie est pleinement présente et sert de noyau et de ferment à de nouvelles organisations. Puis, entre 1969 et 1974, c’est le temps de la reconstruction idéologique, marquée par un activisme violent. Les scissions se succèdent dans un climat de violences, externes et internes. Les années 1974-2008 sont très importantes dans le processus d’unification des extrêmes droites. C’est le moment de l’ascension du Front national, qui consacre sa place centrale. « Depuis 1973, les scissions, les recompositions se sont faites en référence au FN, qui a joué un double rôle attractif et répulsif. »

L’analyse des liens entre la droite parlementaire et les extrêmes droites démontre que la porosité des droites aux idées d’extrême droite n’est pas une nouveauté. La question de la pertinence d’une inscription dans des logiques électoralistes pour des partis antidémocratiques et dénonçant le parlementarisme ressurgit régulièrement au sein de ces formations.

Cet ouvrage, illustré de diverses affiches de propagande et couvertures de fanzines, convie à un étrange et sordide voyage dans les méandres nauséabonds de ces mondes. En suivant les convulsions des chefs autoproclamés qui font et défont les groupuscules qui les composent, s’injuriant et honnissant leurs anciens compagnons, l’ouvrage nous permet d’éviter un certain nombre d’erreurs dues à des approximations et des confusions sémantiques. La foison des sigles opacifie parfois la compréhension, mais suivre l’ensemble de ces mouvements avec leurs compositions, décompositions, recompositions n’est pas un travail aisé.

Dominique Sureau (U.C.L Angers)

  • Jean-Paul Gautier, Les extrêmes-droites en France, de 1945 à nos jours, éditions Syllepse, mars 2017, 528 pages, 25 euros.
 
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