Syndicalisme

Renault : un « Pôle Nord » électrique pour geler nos droits ?




En vue du passage à l’automobile électrique, Renault fusionne ses trois sites du Nord, alors que les salariées sont ballottées entre incertitude sur leur avenir et problèmes de paie. Un premier bras de fer fructueux laisse espérer une reprise de la conflictualité.

En mai 2020, la direction de Renault convoque les organisations syndicales des sites de Douai, Maubeuge et Ruitz, dans les Hauts-de-France. Au programme, un vague plan stratégique pour l’électrique, incitant l’intersyndicale à la méfiance, mais sans suite.

Plus tard, en janvier 2021, la direction entame des négociations et précise ses intentions : augmentation du temps de travail, des samedis obligatoires, regroupement des trois sites en une seule entité légale nommée « Pôle Nord » avec mobilité entre les différents sites. La direction joue sur le ralentissement réel de la production pour faire du chantage à l’emploi, promettant des centaines d’embauches à terme.

Le 8 juin, cet accord rétrograde est signé par les syndicats FO, CFDT, CGC... ainsi que, plus étonnant, la CGT et SUD  ! Et comme si le manque de démocratie syndicale qui existe sur certains sites ne suffisait pas, l’essentiel des négociations s’est déroulé sous le sceau du « secret industriel » imposé par la direction. Très peu d’informations ont filtré jusqu’aux salariées sur leur futur, ajoutant l’anxiété à la fatigue des corps déjà éprouvés par les gestes répétitifs.

Suite à la fermeture annuelle de fin d’année de 2020-2021, des centaines d’ouvriers et ouvrières ont appris peu avant la reprise, parfois même la veille, qu’ils et elles n’allaient pas retourner au travail.
(c) Fanju

Cette angoisse quant à un avenir incertain s’est accrue ces derniers mois. Suite à la fermeture annuelle de fin d’année de 2020-2021, des centaines d’ouvriers et ouvrières ont appris peu avant la reprise, parfois même la veille, qu’ils et elles n’allaient pas retourner au travail. La direction a donc opté pour une « sélection » des salariées, en fonction des problèmes de santé, pour beaucoup causés par les conditions de travail.

Ces ralentissements, essentiellement causés par la pénurie des semi-conducteurs [1], amène à chômer régulièrement : il est banal de travailler des semaines de trois jours ou des journées de cinq heures. Cela montre bien que la semaine de trente-deux heures revendiquée par la CGT et Solidaires est tout à fait possible !

Un bouchon protestataire qui bloque la zone

Cette réorganisation a aussi changé la gestion des paies, décalant d’un mois le versement du salaire variable... sans qu’en soient informées les salariées. Résultat, fin janvier, celles et ceux qui ont eu accès à leur bulletin en ligne ont noté un manque à gagner d’environ 200 à 400 euros, pouvant atteindre 1 000 euros pour certains contre-maîtres.

Quant aux autres, impossible de consulter leur fiche de paie, bloquée par la direction une fois la bourde révélée. Le lendemain matin à Douai, un tract intersyndical appelant à la grève était distribué aux entrées de l’usine. Attroupement, discussions… à tel point qu’un énorme bouchon s’est forme alors aux alentours, bloquant partiellement l’autoroute proche et même jusqu’à l’entrepôt Amazon !

Il faut remonter à plus d’une décennie pour voir une protestation de cette envergure dans cette tôle ! Alors que des négociations toujours très opaques sont encore en cours, et malgré la morosité ambiante et des syndicats peu combatifs, la direction a donc reçu un bel avertissement directement des salariées. Une première confrontation qui en appelle d’autres.

UCL Douai

 
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