Pleins Feux

Macron II : Gouvernement faible ? Mouvement social fort !




Malgré ses efforts pour séduire l’électorat de droite et d’extrême droite, Macron II n’a pas de majorité à l’Assemblée nationale  ! Ne nous leurrons pas, si ses députées nouent des alliances parlementaires, ce sera surtout pour voter des lois antisociales. Notre salut n’est pas dans les groupes parlementaires de gauche, il est dans la robustesse du mouvement syndical et social.

C’est une claque comme on en voit rarement dans le système ultraprésidentiel de la Ve République  : deux mois après avoir été réélu à l’Élysée, Macron se voit privé d’une majorité parlementaire pour voter aveuglément toutes ses exigences.

Le leader du « en même temps » centriste n’avait pourtant pas lésiné pour aspirer l’électorat de droite – celui de gauche et de centre-gauche étant définitivement perdu – majoritaire aujourd’hui, en agitant ses projets antisociaux de « modernisation » du pays, en stigmatisant les minorités et en se posant comme garant du maintien de l’ordre.

C’était compter sans l’obstination de LR à conserver son autonomie envers et contre tout.
Les candidates et candidats macronistes n’ont pas non plus réussi à engranger les scrutins des électeurs les plus racistes, malgré des appels du pied qui ne sont pas passés inaperçus ces cinq dernières années – chasse aux immigrées, interview de Macron dans Valeurs actuelles, hommages à Maurras et à Pétain, Marine Le Pen jugé « trop molle » par Gérald Darmanin, dissolution d’associations antifascistes et antiracistes, etc.

Le ni-ni fait le jeu du RN

Quelques semaines avant le premier tour des législatives, sous le nom de Nupes, l’alliance de gauche se donnait pour objectif de gagner la majorité absolue des sièges. Malgré la réduction du poids électoral de la gauche à environ 30 %, et des propositions de réformes plutôt modestes, la « peur rouge » s’est emparée de la bourgeoisie et de ses relais politiques et médiatiques.

Comme en 1936 (« plutôt Hitler que le Front populaire »), cela a conduit à des outrances aussi ridicules que dangereuses. Alors que RN ou Reconquête ne sont quasiment jamais nommés pour ce qu’ils sont réellement (fascistes, racistes, antiféministes, LGBTphobes, etc.), la Nupes a pu être taxée d’« extrême gauche », qualifiée d’« antirépublicaine » ou encore d’« anarchiste » et d’« islamiste » pendant plus d’un mois.

Dans un débat public réduit à une telle médiocrité, on se demande quels mots seraient utilisés pour qualifier l’UCL, organisation révolutionnaire, communiste libertaire, anti-étatiste et opposée à l’islamophobie  ?

Plus grave, cette campagne de dénigrement renvoyait dos-à-dos la gauche et l’extrême droite, parachevant la normalisation de cette dernière, explique largement l’élection de 91 députés d’extrême droite (dont 89 RN). Si le « barrage républicain » a pu être mobilisé par Renaissance (ex-LREM), ça a souvent été contre des candidates de la Nupes  !

La République en marche, c’est fini. Maintenant c’est Renaissance !

Le cynisme de Renaissance est une leçon pour toutes et tous les antifascistes  : on ne pourra se débarrasser du fascisme qu’en rompant avec toutes les sources d’inégalités et avec les illusions parlementaristes.

Vers une « union nationale »

L’absence de majorité absolue pour la Macronie ne rend pas pour autant les institutions ingouvernables  : Renaissance et LR trouveront évidemment des compromis pour voter des lois antisociales, sécuritaires ou islamophobes.

Du côté de la Nupes, composée de quatre groupes parlementaires (LFI, PS, EELV, PCF), on peut douter de la durée de vie de cette alliance quand on voit l’ambiguïté d’un responsable EELV comme Yannick Jadot, ou du secrétaire général du PCF Fabien Roussel quant à la participation à un éventuel gouvernement d’union nationale.

La véritable arme institutionnelle que détient l’Élysée pour modifier les équilibres, c’est la dissolution de l’Assemblée nationale et de nouvelles élections. Ce serait un pari risqué tant est vive la détestation du pouvoir actuel. Ce n’est toutefois pas un scénario impossible en cas de blocage institutionnel ou d’affaiblissement des oppositions.

Qu’on s’oriente vers une « union nationale » autour d’un « pacte gouvernemental » ou, plus probable, vers des majorités de circonstance sur des lois, ce sont les classes populaires et l’environnement qui trinqueront une fois de plus si nous n’arrivons pas à faire reculer leurs projets mortifères.

Tous et toutes derrière la Nupes ?

Après une longue période de trahison lorsqu’elle était au pouvoir, la gauche réformiste s’est réinventée au sein de LFI, et incarne incontestablement aujourd’hui un nouvel espoir à gauche. Dans son sillage, des partis acquis au social-libéralisme comme le PS et EELV font oublier leur partenariat au pouvoir sous François Hollande.

Le reflux des luttes, la perte de conquis sociaux, la crise écologique ou encore la menace fasciste ont poussé de larges fractions des classes populaires à voter Nupes, encouragées à demi-mots ou plus ouvertement par un grand nombre d’équipes syndicales et de collectifs de lutte.

La CGT a par exemple appelé, le 15 juin, à voter pour les « députés progressistes » pour « traduire les conquêtes des salariées dans la loi ». Pour la FSU, il fallait de même « se rendre aux urnes dimanche 19 juin pour [...] y porter haut les revendications  ! »

La tentation est grande pour une partie du mouvement social de devenir un relais de la Nupes, de son agenda, et de renoncer à élaborer son propre contre-projet de société. Mais la recherche d’un débouché institutionnel aux luttes ne pourra que renforcer la culture délégataire et donc, à terme, obérer la possibilité d’une transformation révolutionnaire de la société.

Il nous appartient, en tant que communistes libertaires, d’alerter sans sectarisme ni embarras, sur les illusions du néoréformisme et sur l’importance de l’autonomie du mouvement social dans son action, ses revendications et son projet de société.

Quelle que soit la configuration gouvernementale ou parlementaire, notre salut dépendra surtout du rapport de force que nous mettrons en œuvre pour résister face aux attaques et combattre tous les maux – capitalisme, racisme, patriarcat – à la racine.

Face aux tâches immenses et urgentes qui se trouvent devant nous, nous aurons besoin d’unité et de détermination.

Dadou (UCL Clermont-Ferrand)


UNE MOITIÉ DE BASE ÉLECTORALE

L’abstention aux élections législatives a une nouvelle fois été majoritaire (52,49 % au premier tour), sapant la légitimité du pouvoir. Elle est particulièrement forte dans les territoires les plus populaires, victimes du rouleau compresseur capitaliste et autoritaire.

Introduire davantage de proportionnelle ou faire des leçons de morale civique ne changeraient pas cette tendance de fond. Il serait cependant hasardeux de se réjouir, en l’état, de cette abstention massive, car elle ne se traduit pas (encore) par une participation plus massive aux luttes sociales, au contraire.

 
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