Syndicalisme

Bibliothèque nationale de France : La très grande grève rallie les lectrices et lecteurs




Depuis le mois de mai 2020, la « Très Grande Bibliothèque » est agitée par un important mouvement social, à l’ampleur inédite, et largement soutenu par les usagers et les usagères. La principale revendication : la création de nouveaux postes.

Depuis dix ans, ce sont près de 300 postes qui ont été supprimés par la direction de la Bibliothèque nationale de France (BNF). Elle se trouve maintenant devant un problème  : par manque de personnel, elle a décidé de supprimer la communication directe des documents aux personnes souhaitant les consulter.

Concrètement, cela oblige les chercheurs et les chercheuses à réserver en avance les documents qu’elles souhaitent consulter. En réalité, cette modification des modalités de communication a pour but de supprimer une partie des plages horaires de magasinage du matin.

Pour le personnel des magasins, qui demeure en sous-effectif, cette nouvelle procédure a pour conséquence une augmentation des cadences et de la charge de travail durant l’après-midi. A cette dégradation des conditions de travail viennent s’ajouter  : la fin des CDI pour les « vacataires – contractuels », la non revalorisation des primes à l’ancienneté ou encore la fermeture du site de Bussy-Saint-Georges, qui sera délocalisé dès 2028 à Amiens.

Pour résumer  : la politique de la direction se résume à demander aux agents d’en faire davantage, avec moins de moyens et dans des conditions dégradées. La colère du personnel gronde depuis déjà plusieurs mois [1], et la mobilisation actuelle n’est pas la première.

Ainsi, en 2021 le Conseil d’administration de la BNF avait été envahi par près de 150 agents et agentes. Des journées de grèves s’étaient déroulées le 27 janvier et le 17 mars 2022, suivies en avril de la présentation d’une pétition signée par près de 700 membres du personnel. Pourtant, la direction a fait le choix de rester totalement sourde aux demandes du personnel et à ses difficultés.

Face au blocage, un mouvement de grèves reconductible très suivi a démarré en mai et réclame des créations de postes et de nouveaux moyens financiers ainsi que le maintien de la communication directe des documents aux lecteurs et lectrices.
CGT - BNF

Face au blocage, un mouvement de grèves reconductible très suivi a démarré en mai. En s’appuyant sur une intersyndicale regroupant CGT-FSU-SUD Culture, les grévistes réclament des créations de postes et de nouveaux moyens financiers, ainsi que le maintien de la communication directe des documents aux lecteurs et lectrices.

Fait notable, le mouvement est soutenu par l’association des lecteurs et usagers de la BnF (ALUBNF) ainsi que par les représentants des usagers et usagères au Conseil d’administration de l’établissement. Le personnel mobilisé est donc parti en grève reconductible à partir de la semaine du 23 mai. Durant cette semaine, les grévistes ont commencé par bloquer les caisses, avant de faire du vendredi 27 mai une journée morte, en organisant un boycott de la BNF par les lectrices et lecteurs. La mobilisation s’est poursuivie en juin, avec l’envahissement puis le boycott du CHSCT.

Depuis le début du mois de juin, la répression policière s’abat sur le mouvement. Ainsi, le jeudi 2 juin, une assemblée générale des personnels en grève se tient dans la cour d’honneur du site de Richelieu, dans le 2e arrondissement de Paris. Les grévistes décident alors de reconduire la grève jusqu’au jeudi 9 juin. À l’entrée du site, la police, postée en surveillance, met en place des contrôles et empêche des agents d’entrer sur leur lieu de travail. Les Renseignements généraux assistent ensuite à l’AG, qui se déroule dans l’enceinte du bâtiment, et la filment dans son intégralité.

Les RG filment l’AG

En début d’après-midi, les personnels en grève, en compagnie d’usagères et d’usagers , décident d’escorter les porte-parole de l’intersyndicale vers la rue de Valois. C’est là que ces représentantes et représentants des grévistes devaient être reçus par le directeur de cabinet de la ministre de la Culture.

Encore une fois, la police s’interpose, au motif que « les manifestations non-déclarées [sont] interdites ». Les forces de l’ordre menacent ensuite les personnels en lutte d’une amende de 135 euros, en ajoutant qu’elles n’hésiteraient pas à employer « tous les moyens possibles » [sic] pour disperser les grévistes.

Depuis, de nouvelles actions ont été eu lieu. Parmi elles, l’invasion de plusieurs instances ou encore une conférence de presse de l’intersyndicale et de l’ALUBNF. La grève a également bénéficié du soutien de plusieurs universitaires. La mobilisation n’est toujours pas terminée et le bras de fer continue. Les grévistes n’ont rien de perdu de leur combativité et, si la direction ne cède pas, il est fort probable que le mouvement reprendra à partir de la rentrée.

Nicolas Pasadena (UCL Montreuil)

[1Sur ce sujet, voir article « Des rêves de béton et des salariés en carton »

 
☰ Accès rapide
Retour en haut