Russie : Des libertaires au Poutinland




Les élections législatives ont, sans surprise, reconduit la majorité pro-Poutine… À côté de cette mascarade, l’organisation communiste libertaire Action autonome s’implique dans de nombreuses luttes : syndicalisme, logement, antifascisme, luttes LGBT…

Aux élections législatives russes, Russie unie, le parti de Poutine, l’a emporté par la peur, la fraude et le lavage de cerveaux.La Douma – le parlement russe – est monocolore même si elle compte quatre partis [1] : Russie unie sera majoritaire avec à ses côtés Russie juste (sa version de gauche), le Parti communiste de la Fédération de Russie, bien dressé dans un rôle de lobby des retraités, et le parti libéral-démocrate de Jirinovski dont la seule fonction est de canaliser le ressentiment d’extrême droite au bénéfice du pouvoir.

Putain, 20 ans !

Les Russes ne sont pas dupes de la mascarade électorale qui se joue devant eux, et beaucoup sourient aux contorsions de Poutine, qui rechigne à modifier la Constitution pour ne pas prêter le flanc aux critiques du monde occidental mais envisage sérieusement de devenir le Premier ministre de son pantin Zoubkov, en attendant de le remplacer pour raisons de santé. Un tel scénario l’autoriserait à présenter de nouveau sa candidature en 2012 et 2016. Un bail de 20 ans au Kremlin !

L’opposition réelle est dans la rue

Si le système politique semble bien verrouillé après huit ans de règne de Poutine, il se passe bien des choses en dehors des sentiers battus par les formations partisanes autorisées. Du côté libertaire en particulier, on trouve des raisons d’espérer. Le paysage libertaire russe est aujourd’hui principalement dominé par trois organisations : l’Association des mouvements anarchistes (ADA), créée en juin 1990 et repliée sur les fondamentaux anarchistes, Action autonome (AD), fondée en janvier 2002 et se revendiquant du communisme libertaire, et la Confédération sibérienne du travail (SKT), active depuis 1995 et caractérisée par ses références à l’anarcho-syndicalisme et son implantation régionale. AD compte plusieurs centaines de personnes implantées dans une vingtaine de villes russes, une organisation-sœur en Biélorussie et des liaisons en Ukraine et dans le Caucase. Elle édite un périodique central (Avtonom) et un journal régional (Situatsia). Action autonome autogère, en partenariat avec plusieurs autres groupes d’extrême gauche, une bibliothèque sur Moscou, baptisée du nom de Victor Serge dont on fêtait le soixantième anniversaire de la mort en novembre de cette année.

AD sur tous les fronts

Action autonome intervient simultanément sur de multiples fronts [2]. Le fascisme rampant du régime poutinien se double d’un activisme violent de groupes d’extrême droite que le pouvoir laisse faire, quand il ne les encourage pas. Plusieurs dizaines de militants de gauche, d’étudiantes étrangères ou de Caucasiens ont payé de leur vie ce déferlement de violence. La lutte antifasciste est donc au cœur de l’activité d’AD, qui doit faire face à la nécessité de protéger ses militants et miliantes. AD pilote aussi l’opposition aux JO de Sotchi en 2014. Ses membres, souvent jeunes salariés, sont par ailleurs à l’animation des luttes syndicales dans les secteurs où elles et ils sont présents. Ils sont très actifs également dans les luttes LGBT (lesbiennes, gaies, bi et trans) et étaient en première ligne lors de la dernière gay-pride, interdite par la mairie de Moscou. L’organisation est enfin très en pointe sur les luttes liées au logement ; la résistance aux promoteurs immobiliers prend parfois des formes spectaculaires comme à Joulebino ou Boutovo, quartiers de la grande périphérie de Moscou, où les habitants et les habitantes refusent de plier, les armes à la main. Des formes d’auto-organisation et de résistance qui ont tendance à se diffuser en Russie, Moscou la totalitaire ayant du mal à conserver sous son emprise un « huitième des terres émergées ».

Pierre Chamechaude (AL Paris Nord)

[1La Russie évolue aujourd’hui dans un système partisan dit « de Dresde », en référence au régime de la RDA où le SED tolérait à ses côtés d’autres partis croupions (CDU et SPD de RDA), présents sur ses listes mais jamais dissonants par rapport aux orientations du parti-État est-allemand.

[2Voir l’article « Entre repression étatique et capitalisme sauvage », paru dans Alternative libertaire n° 164 (été 2007)

 
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