Dossier prostitution : Trois grandes tendances




Si dans les faits, il existe une diversité de législations, on peut dire que le réglementarisme, l’abolitionnisme et le prohibitionnisme sont aujourd’hui les trois grandes tendances qui pensent le rapport entre la prostitution et la société.

Le prohibitionnisme

Le système prohibitionniste interdit la prostitution, et réprime les personnes qui s’y livrent, l’organisent et l’exploitent. Si cette législation n’existe plus en Europe aujourd’hui, elle est en vigueur dans la plupart des États américains ou encore en Chine. Elle vise à punir les actes de racolage, de prostitution et de proxénétisme. Loin de mettre un terme à la prostitution, ce système a plutôt pour conséquences son exercice clandestin et la criminalisation des personnes prostituées.

Le réglementarisme

Le réglementarisme propose d’encadrer administrativement l’exercice de la prostitution. Cette théorie est née dans les années 1830 avec le médecin Alexandre Parent-Dûchatelet. Le courant réglementariste confère à la prostitution une utilité sociale et la considère comme un élément indispensable de la sexualité masculine « normale ». La prostitution étant perçue comme un « mal nécessaire » pour la société, autant d’un point de vue sanitaire que moral, il s’agit de la confiner. La réglementation aura pour conséquence la création de lieux clos et contrôlés par l’administration médicale et policière. C’est ce modèle, dit français, qui fut étendu à l’Europe par le Code Napoléon (1804).
Aujourd’hui, les partisans du réglementarisme sont favorables à la reconnaissance de la prostitution comme un travail comme un autre, exercé de façon libre sur le modèle des professions libérales, avec les droits et les devoirs qui leur sont attachés.

Des pays comme les Pays-Bas ou l’Allemagne ont légalisé et réglementé la prostitution.

L’abolitionnisme

Né en Grande-Bretagne, à la fin du XIXe siècle, le mouvement abolitionniste n’avait pas au départ pour objectif d’abolir la prostitution mais de mettre un terme à la réglementation qui obligeait les prostituées à se soumettre aux contrôles médical et policier. Fondée par Joséphine Butler en 1875, la Fédération abolitionniste internationale obtint cela en Grande-Bretagne dès 1886.

En France, ce mouvement se traduit par la loi du 13 avril 1946 (loi dite Marthe Richard) qui interdit les maisons closes, supprime le fichage et renforce les sanctions contre les proxénètes. Les principes du courant abolitionniste sont reconnus en 1949 par la convention de Genève « pour la répression de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui ».

Le courant abolitionniste actuel conçoit la prostitution comme une oppression et une violence envers les femmes. On parle aujourd’hui de néo-abolitionnisme ou d’abolitionnisme féministe, dont l’objectif est la disparition du système prostitutionnel. Les abolitionnistes refusent toute réglementation, celle-ci ne pouvant que cautionner l’existence de la prostitution, et proposent une série de mesures permettant aux personnes prostituées d’en sortir. La Suède est l’un des pays les plus avancés en la matière.

Entre 1946 et 2003, la France a été considérée comme un État abolitionniste. Toutefois, comme d’autres États dits abolitionnistes, aucune réflexion de fond n’a vraiment été menée pour permettre à terme une réelle abolition de la prostitution. Depuis la mise en œuvre, en 2003, de la Loi sur la sécurité intérieure (LSI) instituant un délit de « racolage passif », la position française s’est éloignée de l’abolitionnisme pour se rapprocher du prohibitionnisme (répression des prostituées, interdiction du racolage sur la voie publique) et, par ricochet, du réglementarisme (proposition de Christine Boutin en octobre 2009 de réouverture des maisons closes).


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