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Échos d’Afrique : L’armée française non grata au Mali




Engagée depuis 2014 (2013 pour Serval) dans une guerre contre le terrorisme islamique au Sahel, la France et son opération Barkhane semblent aujourd’hui plus que jamais empétrées dans un bourbier macabre et insoluble par la voie militaire.

Pourtant, l’opération Barkhane annonce régulièrement des dizaines de «  terroristes neutralisés  », dont plusieurs chefs, et le rythme s’est encore accéléré ces derniers mois. Mais les groupes djihadistes recrutent toujours autant, sinon plus, que les pertes infligées par la France et ses alliés.

En effet, pour les populations locales, les raisons de rejoindre les groupes djihadistes ne sont pas d’abord religieuses ou politiques, mais liée à un fort sentiment d’injustice  : relégation sociale, discriminations, conflits pour les ressources mal gérées, recherche de protecteurs armés...

À cela s’ajoute les effets de la guerre  : d’une part, les exactions des armées alliées de la France «  constituent actuellement le principal moteur de radicalisation ou de ralliement par souci de protection aux groupes djihadistes dans le centre du Mali ou le Sahel burkinabé  » comme l’indique un rapport de l’Institut français des relations internationales (IFRI) en novembre 2019.

D’autre part, les djihadistes tués par la France et ses alliés, sont pour la plupart des locaux, dont les familles endeuillées ne sont pas prêtes de soutenir cette armée coloniale dont la présence ne résoud rien de leurs préoccupations  ; et participe au contraire de l’insécurité croissante. Sans compter les victimes civiles.

Ainsi, début janvier, un raid mené sur Bounti par Barkhane et le G5 Sahel (les armées africaines alliées) est accusé d’avoir tué des civils rassemblés pour un mariage. Accusations démenties par la ministre des bidasses, Florence Parly, qui parle évidement de «  rumeurs faisant le jeu des terroristes  !  » Rumeur ou pas, les morts de cette guerre sont autant d’arguments de rejet de Barkhane et de la France par la population locale.

Au sud du Mali, loin des combats, beaucoup gardent rancœur à la France d’avoir permis au MNLA (groupe indépendantiste touareg) de reprendre le contrôle de Kidal en 2013. La présence de l’armée française est de plus en plus contestée, au Mali comme au Burkina Faso, désormais impacté par cette guerre.

Formation des Forces armées maliennes par les militaires français de Barkhane.
cc Ministère français de la Défense.

En effet, tout le monde constate amèrement que l’action militaire n’a rien résolu depuis sept ans. Sans parler évidemment de la conscience grandissante de la persistance des logiques coloniales, et donc des discours et actions anticolonialistes.

Si la France envisage aujourd’hui de se désengager très partiellement, c’est plus par calcul économique et politique à l’approche des présidentielles que par remise en question du bien fondé de sa présence et de son intervention. Quant à résoudre les problèmes de fond (sociaux, démocratiques, économiques) qui servent de terreau aux djihadistes , cela ne semble prioritaire ni pour la France, ni pour les pouvoirs en place.

Noël Surgé

 
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