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Lire:Marc Belissa, La Révolution française et les colonies




Marc Belissa nous convie à un parcours historique au coeur de la Grande Révolution française et des relations avec les réalités du colonialisme et de l’esclavagisme.
Il interroge cette période au travers du prisme apparemment contradictoire de la proclamation des droits de l’Homme et d’une économie de type coloniale, fondée pour partie sur l’esclavagisme comme fondements des relations sociales des colonies françaises d’Amérique ou de l’Océan Indien.

Contradiction majeure entre les idéaux proclamés d’égalité et les réalités d’exploitation coloniale. Le livre est construit autour de cette problématique de l’esclavage et celle du lien colonial.
C’est le 6 février 1794 que la Révolution française, en décrétant la première abolition générale de l’esclavage, faisait monter en tension cette rupture entre l’idéologie des droits de l’Homme et l’esclavagisme, fondement économique de l’opulence d’une bourgeoisie sans scrupule.
Cette proclamation interrogeait le lien colonial qui unissait dans des destins opposés les deux termes d’une chaîne.

L’ouvrage commence par un état des lieux de l’étendue de la sphère coloniale française.
Il débute par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et les réactions qu’elle engendra dans le court et moyen terme : la Terreur des colons, 1789-1794, les résistances du parti esclavagiste et la redéfinition des termes de colonisation, 1795–1800, puis la réaction coloniale, 1800-1804. Durant ces quinze années, les rapports sociaux, les identités « raciales » et politiques ont été bouleversées.
L’auteur veille à toujours maintenir ce lien qui unie dans l’exploitation les deux termes de la contradiction. Il interroge la relation coloniale au travers du commerce, mais aussi du Pouvoir et de l’idéologie. Il parcourt la circulation des hommes, des écrits et des paroles rapportées. Il essaye d’en extraire les communautés et les oppositions irréversibles. Il questionne les imaginaires de libertés et les réalités imposées des identités coloniales.

Ce périple le conduit en ces terres de contradictions où éclatèrent des combats entre mouvements abolitionnistes d’un côté et défense d’un ordre social esclavagiste et contre-révolutionnaire de l’autre.
Contradictions qui s’exprimèrent le plus souvent violemment, par des humiliations et des vexations quotidiennes, par des guerres coloniales en opposition à la sacro-sainte déclaration universelle.
Parcourir ce lien s’avère fort instructif, et l’auteur livre ici une synthèse conséquente, mais, pour autant, peut-on considérer que de la rencontre entre les révolutions coloniales et les mouvements radicaux en métropole aient émergé la proclamation de l’abolition de l’esclavage à Saint-Domingue en août 1793 ? Et que le vote de l’abolition générale par la Convention en février 1794, ait été accueilli avec ferveur dans le pays ?
Pour preuve, les grands ports négriers de Bordeaux ou de Nantes ne stoppèrent pas pour autant leurs négoces.

Vouloir qu’un « vent commun » de l’émancipation ait soufflé sur le monde ne suffit pas à s’exonérer des réalités de la domination capitaliste et de ses expressions colonialistes et esclavagistes qui perdurèrent bien au-delà des années en question.

Dominique Sureau (UCL Angers)

Marc Belissa, La Révolution française et les colonies, éditions La Fabrique, novembre 2023, 300 pages, 20 euros.

 
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