Rwanda : Socialistes et gaullistes poursuivis par les fantômes du génocide




Arrestation de la Rwandaise Rose Kabuye, effondrement du dossier Bruguière, procès intenté par Hubert Védrine au collectif Génocide made in France… la vérité finira-t-elle par éclater ?

Quatorze ans après les faits, l’État français n’en finit plus d’être rattrapé par le spectre du génocide rwandais, et ses laborieuses tentatives pour se dédouaner sont en train d’échouer misérablement. L’actuel gouvernement rwandais n’a jamais pardonné à Paris d’avoir armé, soutenu et protégé le régime d’extrême droite hutu qui a sombré en 1994 dans une orgie de sang, de destruction, et l’extermination d’un million de Tutsis et d’opposants politiques [1]. Paris n’a jamais reconnu ses responsabilités et a même provoqué Kigali en lançant, en 2006, à la demande du juge Jean-Louis Bruguière, un mandat d’arrêt contre neuf dirigeantes et dirigeants tutsis du Front patriotique rwandais (FPR, au pouvoir). De quoi les accuse-t-on ? D’avoir fait abattre, le 6 avril 1994, l’avion du président hutu d’extrême droite Juvénal Habyarimana. Le lendemain, le génocide des Tutsis débutait « en représailles ». Résultat, les dirigeants tutsis seraient au moins coresponsables du génocide des Tutsis ! Le juge Bruguière, comme le Quai d’Orsay, restent donc attachés aux thèses révisionnistes sur l’interprétation du génocide.

En réalité, il est improbable qu’Habyarimana ait été assassiné par le FPR, qui n’y avait aucun intérêt puisque le despote venait de lui faire d’importantes concessions en vue d’un règlement pacifique de la guerre civile. Ces concessions avaient, en revanche, ulcéré les jusqu’au-boutistes du Hutu Power qui souhaitaient déclencher l’« apocalypse », selon le mot du colonel Théoneste Bagosora, un des cerveaux du génocide. Le plus plausible est que, jugeant Habyarimana trop mou, ils l’ont éliminé. Le missile qui abattit l’avion présidentiel le 6 avril fut tiré d’une zone contrôlée par l’armée rwandaise et non par le FPR et, moins d’une heure après, les milices d’extrême droite commençaient les massacres. Dans tous les cas, l’attentat du 6 avril ne peut pas être l’arbre qui cache la forêt. Le génocide était planifié, les armes étaient prêtes, les milices entraînées, les « listes » établies. La lumière à faire sur l’attentat ne peut remettre en cause l’intentionnalité de la « solution finale au problème tutsi ».

Un croche-pied de Kigali à Paris

Le 9 novembre, le FPR s’est donc joué de Paris en laissant une de ses dirigeantes, Rose Kabuye, se faire arrêter. Rose Kabuye passera quelques temps derrière les barreaux pour obliger le juge Bruguière à se prendre les pieds dans le tapis. En effet, dès le 13 novembre, Abdul Ruzibiza, un de ses principaux témoins à charge, se rétractait, affirmant qu’il avait inventé de toutes pièces l’histoire d’un commando FPR abattant le Falcon 50. Le dossier est donc vide. La France va se ridiculiser.

De 1975 à 1994, tous les gouvernements centristes, gaullistes ou socialistes ont communié dans le soutien à ce que l’historien Jean-Pierre Chrétien a qualifié de « nazisme tropical ». Quand le reconnaîtront-ils ? Comment l’expliqueraient-ils ? Le 28 novembre 2007, le collectif Génocide made in France a aspergé de colorant rouge le socialiste Hubert Védrine, secrétaire général de l’Élysée à l’époque du génocide, qu’il accusait de « complicité ». Au procès, Védrine a prudemment abandonné sa plainte en diffamation, qui aurait conduit à une enquête sur ses véritables responsabilités, et s’est contenté de réclamer un euro symbolique de dommages et intérêts.

Guillaume Davranche (AL Paris-Sud)

[1Lire la série de 3 articles publiés en 2004 sur le génocide rwandais : Naissance d’un nazisme tropical, La Françafrique ensanglantée et Singularité d’un génocide

 
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