Crise du Coronavirus

Grain de sable dans le capitalisme mondial




La crise sanitaire causée par le coronavirus entraîne l’économiemondiale dans la récession. Cherchant à sauver des marchésfinanciers et des entreprises au bord du gouffre, les gouverne-ments multiplient les mesures spectaculaires mais restent inau-dibles. Ce que révèle le Covid-19, c’est la démesure financière etla dépendance du Capital vis à vis de l’État.

Alors que les gouvernements multiplient les mesures sanitaires pourtant insuffisantes, la finance mondiale s’effondre à une vitesse vertigineuse. Les principaux indices boursiers de Wall Street (DowJones, Nasdaq...) ont connu le 16 mars une des pires journées de leur histoire, et la situation n’est pas meilleure pour les grandes places financières européennes et asiatiques : depuis la fin février, le CAC 40 a perdu près du tiers de sa cotation.

Les principaux pôles économiques mondiaux sont d’ores et déjà en récession, entraînant le reste du monde. Et les institutions économiques internationales (Banque mondiale, OCDE...) revoient à la baisse leurs prévisions de croissance pour 2020.

Des leviers monétaires usés jusqu’à la corde

Cet écroulement a lieu malgré que les États bourgeois annoncent les dépenses les plus folles pour rassurer les financiers. Les banques centrales ont multiplié les interventions sur les marchés pour que les banques commerciales ne manquent pas de liquidités, et pourtant, les principaux établissements américains ont vu leur cotation boursière chuter. Mais les leviers monétaires ont atteint leurs limites : ils étaient déjà pratiquement à leur maximum depuis 2008. Si bien que la présidente de la Banque Centrale Européenne a annoncé la suspension de la règle imposée aux États – les fameux3 % maximum de déficit budgétaire, en particulier.

Mais la relance par la dépense publique et la baisse des impôts ont elles aussi des limites. Comme on nous le rappelle fréquemment, les États sont lourdement endettés : de l’ordre de 100 % en France et de 110 % pour les États-Unis. Et la crise économique quis’annonce va encore rogner les recettes des États.

Ce que la crise sanitaire révèle, c’est la nécessité d’une intervention croissante de l’État pour maintenir à flots un capitalisme de plus en plus globalisé, aux chaînes de production extrêmement complexes, et par conséquent instable.
CC Mark Bonic

Un krach purement boursier ?

Certains analystes essaient d’expliquer que cette crise est purement financière et ne se répercutera que peu sur l’économie réelle. Mais ce sont les mêmes qui nous disent, par temps calme, que la valeur des titres financiers reflète efficacement les « fondamentaux » de l’économie réelle (production, profit, emploi, prix)... Sauf que ces fondamentaux sont dans un état bien plus inquiétant qu’à l’époque du krach de 1987. La croissance américaine tournait autour de 4 % à la fin des années 1980, alors qu’elle gravite plutôt autour de 2 % ces dernières années. Les entreprises et les foyers américains sont aussi fortement endettés, au même titre qu’au Royaume-Uni, en Australie et dans nombre d’économies capitalistes avancées. La moindre panique boursière pourrait donc faire s’effondrer des pans complets de l’économie états-unienne, à commencer par le secteur des pensions de retraite privées ou de la dette étudiante, entraînant le monde entier dans une crise profonde.

Gigantisme de la shère financière

C’est que le capitalisme est un système économique délicat. Une de ses forces, mais aussi une de ses faiblesses, comme l’avait analysé Marx, est d’être fondé sur des paris à propos de l’avenir. Depuis quelques décennies, l’endettement est devenu de plus en plus indispensable pour que l’économie capitaliste continue de croître.

Or, la sphère financière est hypertrophiée depuis les années1980. Les marchés nationaux sont interconnectés et les produits financiers (titres de dettes, actions...) de plus en plus interdépendants. Autrement dit, il suffit qu’une partie du système mondial s’écroule pour que le reste suive. Rien de majeur n’a été fait pour éviter la réédition de la crise de 2008. Aux États-Unis, les maigres régulations mises en place par Obama ont été démantelées par Trump. Le coronavirus n’est pas le responsable de la crise qui s’annonce, mais la goutte d’eau qui fait déborder le vase.

Le covid-19, un révélateur

Ce que la crise sanitaire révèle, plus profondément encore, c’est la nécessité d’une intervention croissante de l’État pour maintenir à flots un capitalisme de plus en plus globalisé, aux chaînes de production extrêmement complexes, et par conséquent instable. Un grand tabou du débat entre la gauche capitalo-compatible et la droite libérale-conservatrice, c’est que la dépense publique ne baisse pas... elle stagne voire augmente malgré l’austérité. Après des décennies de rigueur, de destruction des services publics, de privatisation à tout-va, l’État n’a jamais été un acteur aussi indispensable au capitalisme. Simplement, plutôt que d’intervenir directement dans l’économie comme il le faisait au XXe siècle, il distribue des subventions aux entreprises privées qui en font ce qu’elles veulent. Sans même parler des dépenses militaires mondiales qui continuent de grimper.

Il ne faudrait donc surtout pas voir dans les premières mesures étatiques annoncées un début de « socialisme ». En France, l’état d’urgence sanitaire permet de violer les dispositions les plus fondamentales du droit du travail (35 heures, congés...), tandis que le Portugal, dirigé par le PS, a suspendu le droit de grève le 21 mars. Nous assistons en fait à un basculement vers une sorte d’économie de guerre, où l’État missionne et encadre le patronat pour « faire tourner » la machine, y compris des secteurs non essentiels, tout en lui garantissant l’obéissance du prolétariat au nom d’une « union sacrée » qui masque la brutalité de la lutte des classes.

Mathis (UCL Grand-Paris sud) et Dadou (UCL Clermont-Ferrand)


la Bourse finance assez peu l’économie

La Bourse est le lieu (réel ou virtuel) où s’échangent divers titres financiers (actions, obligations...) de seconde main ou, pourrait-on dire, d’occasion. On l’appelle donc le « marché secondaire ». Tous les titres échangés avaient déjà été vendus au moins une fois auparavant ; l’entreprise qui les avait émis à l’origine ne gagne donc pas d’argent dans cet échange. Les fameuses « introductions en Bourse » de grandes entreprises nous induisent en erreur à ce sujet : les titres émis sur le marché du « neuf » (appelé « marché primaire ») ne sont pas pris en compte dans les cours boursiers et représentent une part infime des titres en circulation. Aussi étonnant que cela paraisse, le rôle de la Bourse dans le financement de l’économie est donc quasi nul. C’est la raison pour laquelle les cadeaux fiscaux aux entreprises, généralement très coûteux pour les finances publiques, ne produisent que des effets minimes : la plupart des capitalistes s’en servent pour racheter leurs propres actions ou des actions d’autres entreprises en bourse, dans un but de spéculation, et non pour investir. L’explication est simple : investir dans des affaires qui ont déjà fait leurs preuves est beaucoup moins risqué...

 
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