Italie : Féminicide de Giulia, la rage et la révolte
Ce 25 novembre, en Italie, les manifestations ont atteint une ampleur historique, dans un contexte particulier : un féminicide médiatisé, dans un pays gouverné par un gouvernement fasciste et antiféministe. Alors allons faire un tour de l’autre côté de la frontière.
Giulia Cecchettin, 22 ans, a été assassinée de 26 coups de couteau par son ex le 12 novembre, devenant ainsi la 106e victime de féminicide en Italie sur l’année 2023. Alors que le pays était sous le choc, les tentatives de récupération ont émané de toutes part – y compris des gouvernants fascistes. Matteo Salvini a réclamé la prison à vie pour le meurtrier « s’il est coupable » et rappelé ses propositions de réformes sécuritaires comme la généralisation du bracelet électronique. Georgia Meloni, qui avait récemment appelé les femmes à « ne pas se mettre en situation de se faire violer » a promis du bout des lèvres une campagne de sensibilisation dans les écoles – après que son inaction sur les violences liées au genre ait été violemment ¬dénoncée.
Mais cette fois, une autre voix s’est faite entendre : Elena, la sœur aînée de Giulia, a diffusé sur les réseaux sociaux un long texte pour parler de l’assassinat de sa sœur. Opposée à toute récupération politique, elle y livre une analyse du féminicide comme l’aboutissement du continuum des violences faites aux femmes, et le qualifie de crime d’État. Ainsi, l’assassin de sa sœur « n’est pas un monstre, il est un fils ordinaire de la société patriarcale ».
Elle écrit : « Si grandes sont la rage et la douleur, en réalisant que ton absence, ta mort, ont été causées par un homme avec un nom et un prénom ; un homme qui s’est senti autorisé à t’enlever à moi. Un homme qui n’a pas été éduqué au consentement, au respect et à la liberté de choix. Pour que plus ¬personne ne ressente jamais le vide que je ressens [...] Il doit y avoir un changement, une révolution culturelle. »
Sur instagram, elle réplique à Salvini : « vous doutez de [la] culpabilité [du tueur] parce qu’il est blanc et de bonne famille ». Et elle termine sa lettre ainsi : « Pour Giulia, ne faites pas une minute de silence ; pour Giulia, brûlez tout. »
Un local fasciste ciblé
Ses déclarations ont évidemment été critiquées par toute une frange miso¬gyne et masculiniste du pays.
Mais le 25 novembre, elles ont résonné dans tout Rome, où la manifestation nationale contre les violences faites aux femmes, appelée par le collectif Non una di meno, a rassemblé 500 000 personnes venues de tout le pays – un record historique.
Dans le cortège qui a inondé le Circo massimo et débordé dans les rues environnantes, aucun parti politique en vue, mais des collectifs reprenant des extraits de la lettre d’Elena et des milliers de messages de sororité spontanés : « Chaque respiration que je prends portera ta voix », « si demain je ne rentre pas, je veux être la dernière », « nous parlerons toutes, si vous nous écoutez ».
Partout dans la foule, s’affichaient des marques de soutien à la Palestine et aux femmes palestiniennes – l’affiche de la manifestation comportait, bien visible, le message « Palestine libre ». Autour d’Elena, un féminisme intersectionnel de combat embrase ¬l’Italie asphyxiée par l’idéologie fasciste et sexiste de Meloni. Une seule attaque matérielle pendant la manifestation : le local fasciste de « défense de la famille » ProVita, a été repeint à la bombe sous les bravas de la foule...
Jusqu’à ce que la police -charge et ¬blesse deux femmes. Le patriarcat n’a pas fini de se débattre.
Clems (UCL Saint-Denis)