Ecologie

Énergie : Nucléaire, fausse solution, porteuse de vrais problèmes




Depuis quelques années, l’énergie nucléaire est présentée comme la solution du futur qui nous sauvera de la crise environnementale. Ce nuage alimenté par de nombreux lobbys ne doit pas nous détourner de notre boussole antinucléaire. Quelques éléments d’analyse

Lors de la COP 28 à Dubaï, une vingtaine de pays ont appelé à tripler l’énergie nucléaire à l’échelle mondiale ¬d’ici 2050 par rapport à 2020. En France, cette annonce est dans la continuité de la communication de Macron. En 2021, pour défendre son programme énergétique, il avançait le déploiement de minicentrales nucléaires modulables comme solution « durable ».

Dans le même sens, le 11 décembre 2023, lors du programme France 2030, la priorité est donné à la fusion nucléaire. Ces effets d’annonces, souvent irréalistes à court terme [1], ne permettent que du climato-rassurisme en faisant miroiter de fausses solutions basées sur des technologies futures. Aujourd’hui, la fusion nucléaire est encore au stade de recherche, et l’industrialisation à grande échelle n’est pas pour demain alors que le problème énergétique était pour hier.

Un lobby toujours plus efficace

En plus du puissant lobby industriel, des personnalités « écolo » se placent en défenseurs absolus du nucléaire. Le plus en vue est Jean-Marc Jancovici. Ingénieur et « bon » orateur, il défend le développement nucléaire dans les différents médias. Malgré une analyse de la crise énergétique assez bonne, Jancovici a comme postulat que « le capitalisme est consubstantielle de la démocratie » [2]

À quoi bon alors remettre en question notre système de production, il suffit donc de le décarboner ! Cependant, cette analyse efface les rapports de classes au sein de notre société. Lui-même formé au sein de l’élite, à Polytechnique, il n’est pas étonnant qu’il soit incapable de voir la concentration de pouvoir au sein de sa classe sociale et donc le déséquilibre des rapports de dominations inhérents au système. De plus, il échoue à comprendre que c’est bien le capitalisme en crise qui provoque la montée de divers mouvements autoritaires et met en danger les systèmes de démocraties libérales à travers le monde.

Toujours d’après M. Jancovici : « quand on voit le rapport que le régime soviétique a eu à l’environnement, [il n’est] pas totalement persuadé que le problème soit intrinsèquement lié au capitalisme ». Il est amusant de constater que c’est bien le PCF qui, à gauche, a été le seul défenseur éternel du nucléaire en France. Notre critique libertaire repose précisément sur le productivisme intrinsèque d’une telle technologie mais également son autoritarisme.

La critique environnementale pronucléaire se satisfait d’une démocratie partielle où les représentants du peuple (soviétiques ou français) n’ont pas de comptes à rendre. Nous pensons au contraire qu’une société écologique ne peut advenir qu’à travers une démocratie locale et ouvrière véritable. Cette critique nous la portons depuis plusieurs décennies en Occident comme nous l’avons portée sur le bloc de l’Est.

Une réalité scientifique loin des annonces

Ce lobby et cette communication pronucléaire cachent les réelles difficultés de la filière à rebondir et à faire face à l’urgence climatique. Les différents réacteurs nouvelles générations (EPR) présentent de multiples difficultés économiques et techniques, comme nous le soulignons déjà en 2013 [3], la situation a continué à se détériorer avec toujours plus de coûts et de malformation.

Il faut ajouter à cette baisse de compétence technique, une diminution mondiale de la production d’énergie électrique [4] via le nucléaire principalement due au vieillissement du parc.

Pour faire fonctionner les réacteurs nucléaires, il est nécessaire d’utiliser une très importante quantité d’eau. Une part de cette eau est évaporée et l’autre est renvoyée dans son milieu naturelle. Le changement climatique engendrant plus de sécheresse, les conflits autour de l’eau apparaissent de partout sur la planète.

Le nucléaire ajoute une pression supplémentaire sur cette ressource. La surveillance du niveau d’eau pompée et de la température de rejet est réalisée par l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN).

Cette surveillance étatique a la capacité de modifier le seuil de température de l’eau en sortie de centrales, comme ce fut le cas durant l’été 2022 [5] pour « faire face à la situation météorologique exceptionnelle ». Malheureusement ces météos « exceptionnelles » vont devenir de plus en plus la norme. Ainsi, défendre et proposer le développement du nucléaire est, au mieux, une fuite en avant, au pire, du climato-scepticisme.

Comme mentionné dans le numéro de mai 2023 [6] , le gouvernement souhaite fusionner l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) avec l’ASN. L’IRSN est l’instance technique indépendante de l’État, soit une réelle protection aux dérives autoritaires de celui-ci.

Pour lutter contre cette fusion, l’intersyndicale de l’IRSN appelle à une grève le 20 décembre 2023, le jour de la présentation du projet de loi. Encore une fois, ce sont bien les travailleurs et travailleuses organisées dans leurs syndicats qui défendent des biens communs et le service public.

nous devons être révolutionnaires

La crise environnementale et énergétique est vertigineuse. Afin d’ouvrir des horizons vivables, il est pour nous urgent de questionner nos moyens de production, de distribution et de consommation. Le nucléaire permet de continuer, pendant un temps encore, le cauchemar du capitalisme qui nous a conduit face au mur. Une production plus décentralisée et démocratique qui répond aux justes besoins épurés de la course à la croissance et de la publicité, nous paraît plus enviable.

En effet, la relance du nucléaire, une production intimement liée au secteur militaire, colonial et productrice de déchets intemporels polluant les sols et les eaux, n’est pas la solution et doit toujours être combattue.

Léo (UCL Grenoble)

[1Weiler, Nolwenn, « Doter la France de mini centrales en kits : le projet de Macron laisse perplexes les travailleurs du nucléaire », Basta !

[2Citation de son passage sur Thinkerview (média à la ligne éditoriale confusionniste que nous ne cautionnons pas).

[3« EPR de Flamanville : Le nucléaire fait exploser les prix », Alternative libertaire n°224, janvier 2013

[4De Ravignan, Antoine, « Promu dans les discours à la COP28, le nucléaire n’en finit pas de décliner », Alternatives économiques.

[5« L’ASN modifie temporairement ses prescriptions encadrant les rejets thermiques des centrales nucléaires de Blayais, Bugey, Golfech, Saint-Alban et Tricastin », août 2022, sur le site de l’ASN.

[6« Énergie : La nouvelle offensive du nucléaire français », Alternative libertaire n°338, mai 2023.

 
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