Politique

Dupont-Moretti : Une justice d’exception... exceptionnellement clémente !




Le ministre de la Justice, Eric Dupont-Moretti a été reconnu, par la Cour de justice de la République, coupable de prise illégale d’intérêt... sans que l’intention ait pu être prouvée ! Après des mois d’atermoiements contre cette justice inique, le bon droit a enfin prévalu.
La justice bourgeoise a blanchi un de ses valets pendant qu’on demande toujours plus de sévérité, au nom de l’exemplarité, pour les jeunes, et les moins jeunes, des classes populaires.

Le 29 novembre 2023, Eric Dupont-Moretti, ministre de la justice, a été relaxé par la Cour de justice de la République (CJR), alors qu’il était accusé d’avoir usé de ses fonction de ministre pour « régler ses comptes » avec des magistrats avec lesquels il avait des différends datant de l’époque où il était avocat.

La décision de la CJR est motivée par le fait que si l’élément matériel de l’infraction de prise illégale d’intérêt est présent, l’élément intentionnel, lui, ne serait pas démontré. Entendre : il l’a fait, mais on n’a pas la preuve qu’il avait l’intention de le faire.

Un tel raisonnement est tout à fait possible juridiquement. Et d’ailleurs le juge pénal devrait, chaque fois qu’il condamne une personne, s’être assuré d’avoir la preuve non seulement qu’elle a commis l’infraction, mais aussi qu’elle en avait l’intention.

Dans les faits, lorsque la personne prévenue n’est pas ministre, on assiste plutôt à des situations inverses, de condamnations sans preuve de l’élément matériel.

Une justice sur mesure

La CJR, juridiction d’exception pour juger les infractions commises par les ministres en exercice, composée de 15 juges dont 12 parlementaires, devant laquelle les victimes ne peuvent intervenir, et qui totalise des records d’impunité (en 20 ans d’existence, plus de 20 000 plaintes enregistrées, 9 jugements, 5 condamnations, toutes avec sursis), est sans doute le symbole le plus marquant de cette justice bourgeoise, à deux vitesses, qui sert les intérêts des dominants.

La loi est un rapport de force

Parce que, faut-il le rappeler, la « Justice », en France, condamne essentiellement des personnes de classes populaires, racisées, issues des quartiers, handicapées... Les biais racistes et classistes des juges, essentiellement blancs et issus de la bourgeoisie, y sont sans doute pour beaucoup, mais le problème est bien plus profondément ancré dans les institutions.

La sociologie de la domination démontre que contrairement à ce qui nous est asséné, la loi n’est pas l’expression de la volonté générale, mais résulte du rapport de force entre classes sociales pour conquérir le pouvoir de dire le droit. Elle reflète donc les intérêts et valeurs du groupe qui a gagné ce pouvoir, et qui l’utilise pour criminaliser les comportements qui menacent sa position de dominant [1].

Ainsi, la bourgeoisie au pouvoir crée une législation et un système pénal qui visent bien plus des infractions comme le vol ou les stup, que les comportements de grands patrons saccageant l’environnement ou mettant en danger la sécurité de leurs salarié-es par exemple.

Ainsi, la bourgeoisie au pouvoir crée une législation et un système pénal qui visent bien plus des infractions comme le vol ou les stup, que les comportements de grands patrons saccageant l’environnement ou mettant en danger la sécurité de leurs salarié-es par exemple.

Par la même, le système pénal projette une image de danger que représenteraient les pauvres, et a pour fonction de cacher les vrais dangers sociaux que sont les crimes des puissants.

Contrairement au discours dominant sur la lutte contre la délinquance, ce système pénal est parfaitement performant et remplit les objectifs réels pour lesquels il est conçu, et n’est, par conséquent, pas réformable. Dans une visée libertaire, il semble indispensable de chercher son abolition, et de s’intéresser à des alternatives de justice non punitive.

Julie (UCL Fougères)

[1Voir Pierre Bourdieu, « La force du droit. Éléments pour une sociologie du champ juridique », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 64, septembre 1986 et Austin Turk, Criminality and Legal Order, Rand McNally, 1969.

 
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