Dico antisécuritaire : « l’Espace public »




Chaque mois, un mot ou une expression passée au crible : Qu’est-ce que l’espace public ?

L’espace public est une notion relevant d’abord du droit foncier. Il constitue dans la ville l’ensemble des lieux qui appartiennent à l’Etat, donc, selon les principes du « droit républicain », à toutes celles et tous ceux qui le fréquentent. Il se charge donc d’une dimension sociale, culturelle et économique complexe. Il est un espace de liberté où il est possible pour le peuple d’échanger directement, à l’échelle locale. Il est théoriquement un pilier du fonctionnement des sociétés démocratiques, où se forment des pratiques communes fondatrices d’un « vivre ensemble », d’un lien social chargé d’un sens politique. Son fondement peut être recherché dans l’idée de « place publique », à l’instar de l’« agora » grecque au sein de laquelle se tenaient les débats politiques. La Commune de Paris reste l’exemple le plus marquant de l’importance physique et symbolique qu’ont pu prendre certains lieux dans ces débats.

Pour cette raison, aujourd’hui, les logiques capitalistes obligent l’Etat à contrôler ou détruire cet espace. Il ne s’agit pas nécessairement d’une destruction matérielle des lieux, cela peut prendre différentes formes : changement du statut juridique de l’espace foncier, privatisation, semi-privatisation ou bien contrat locaux entre collectivités et entreprises sont des stratégies d’anéantissement de la fonction sociale des territoires. La vidéosurveillance, le renforcement de la présence policière, l’incitation à la délation, la délégation à des entreprises privées de la surveillance sécuritaire relèvent de la même logique. Les quartiers populaires sont les premiers concernés par l’ensemble de ces mesures. Les conséquences sont multiples : destructions des pratiques locales et des solidarités qui étaient produites par l’espace public, attaque de l’économie dite informelle, en réalité alternative à l’économie libérale. Les attaques répétées des mairies d’arrondissements sur les biffins dans les quartiers du nord de Paris en sont un exemple récent [1]. L’état, par ses divers représentants, sous couvert de défense des habitants et d’hygiène, produit du sécuritaire tandis que son but reste la défense du capitalisme et de ses acteurs économiques formels.

La défense d’un projet communiste libertaire implique de se pencher sur la question du lien social, et de soutenir toutes les formes d’échange horizontal, égalitaire, comme façon de s’émanciper. C’est pourquoi la réappropriation des espaces publics doit rentrer dans les réflexions et les pratiques militantes à l’échelle de nos quartiers.

[1Voir « Biffins de Belleville : le PS ouvre la chasse aux pauvres », dans AL n°208, été 2011

 
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