Discours de Sarkozy à Versailles : les défis pour le mouvement social




À Versailles, le 22 juin, Nicolas Sarkozy s’est davantage attaché à parader dans un show monarchique qu’à faire des annonces précises sur les « chantiers » que le gouvernement prépare pour les mois à venir. Cependant, de la crise économique à la burqa en passant par les prisons, la fiscalité ou les retraites, son tour d’horizon appelle un commentaire politique.

La burqa, pour commencer. Le débat a été initié depuis une semaine par le communiste André Gérin, et la secrétaire d’État Fadela Amara en a posé clairement les enjeux en déclarant être favorable à une interdiction de la burqa et du niqab. Ce vêtement est
bien évidemment un symbole d’oppression patriarcale et d’aliénation religieuse, mais son interdiction, comme pour le foulard islamique en 2004, ne peut être que contre-productif. On ne libère pas « de force » d’une aliénation. D’autant qu’une mesure d’interdiction, ciblant une fois de plus exclusivement les musulman-e-s, ne peut être prise que comme une entreprise raciste.

La loi Hadopi, qui devait punir le téléchargement illégal sur Internet mais qui a été retoquée par le Conseil constitutionnel, sera remise sur le métier au nom de la « liberté ». Puisqu’il « n’y pas de liberté sans règles [...] Comment peut-on accepter que les règles qui s’imposent à toute la société ne s’imposent pas sur Internet ? »

La gestion pénitentiaire de la crise sociale poursuit sa course : « Comment peut-on parler de justice quand il y a 80 000 peines non exécutées par manque de place dans les prisons ?" a estimé Sarkozy.. "L’état de nos prisons est une honte pour notre République. Nous construirons donc d’autres prisons ». La crise économique en effet, va continuer à jeter des milliers de salarié-e-s au chômage. Face à cela, Sarkozy assure « tout licencié économique doit pouvoir garder
son salaire et suivre des formations pendant un an »
. Il ne dit pas qui paiera. Les actionnaires qui continuent de percevoir des dividendes colossaux pendant la « crise » ? Ou l’État, c’est-à-dire les contribuables ?

Les exonérations fiscales au bénéfice du patronat en effet vont se poursuivre, au motif que « les délocalisations systématiques sont devenues insupportables aux Français. La fiscalité en est responsable. […] La taxe professionnelle doit être supprimée. »

Un emprunt national, qui sera lancé à l’autonome, est censé renflouer les caisses de l’État, à sec après une accumulation d’exonération en faveur des classes possédantes. Les particuliers, pourraient donc acheter des obligations d’État. Le précédent emprunt de ce genre avait été lancé par Balladur en 1993, avec un taux d’intérêt de 6 %, remboursable en quatre ans. Cette solution ruineuse avait surtout
abouti à diriger un flux considérable d’argent public vers les établissements bancaires, et à encourager la spéculation financière. Cela confirme ce qu’AL dit depuis le début sur la gestion de la crise par le gouvernement : il ne cherche nullement une hypocrite « moralisation » des marchés, mais seulement à y réinjecter de l’argent pour que les classes possédantes puissent continuer leur orgie financière.

Les suppressions de postes dans la fonction publique continueront : « Nous ne reculerons pas sur la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Nous irons plus loin dans la maîtrise des dépenses de santé. »

Les annonces écologiques… restent au stade des annonces, alors que le Grenelle de l’environnement a été petit à petit vidé de sa substance.

La retraite à 67 ans : le Premier ministre François Fillon a eu la tâche ingrate de lancer le ballon d’essai. Sarkozy, lui s’est contenté d’annoncer que « le gouvernement prendra ses responsabilités » à la mi-2010. Nous connaissons donc la date de la prochaine bataille sur les retraites… à compter qu’elle ait lieu, tant les confédérations syndicales ont passé l’année 2009 à organiser l’inaction, allant jusqu’à se couvrir de ridicule avec la journée d’action-croupion du 13 juin. La retraite à 67 ans n’a rien d’un projet utopique. Elle correspond à un alignement sur
la volonté du Medef et au « programme commun » Jospin-Chirac entériné lors du Conseil européen de Barcelone en mars 2002, qui prévoit pour l’ensemble de l’Union européenne un recul de cinq ans de l’âge de départ en retraite. C’est pour cette raison que le PS restera, comme en 2003, muet sur la question : il est d’accord avec
l’UE et l’UMP. Le recul de l’âge légal de départ en retraite est le plus important recul social de ces vingt dernières années. Il va creuser les inégalités sociales. Les salarié-e-s les plus mal loti-e-s, usés avant l’âge, continueront d’être virés à 57 ans, et le montant de leur pension de retraite diminuera. Les salari-é-s les plus aisé-e-s, de leur côté, souscriront à des programmes de retraite par capitalisation auprès d’assurances privées qui s’en serviront pour spéculer en bourse. Pour
financer la Sécurité sociale – dont le déficit est dérisoire comparé au gaspillage
abyssal des spéculateurs sur les marchés financiers – la solution est pourtant simple : il faut augmenter les cotisations sociales, même si cela prive les capitalistes d’une microscopique partie de leurs immenses profits !

Le talon d’Achille de ce gouvernement, et du système capitaliste qu’il défend, c’est la crise sociale, et les dizaines de milliers de personne mises au chômage à cause de la spéculation financière. Comme le scrutin européen l’a montré, il ne faut rien attendre des « votes sanctions » et autres hochets institutionnels. Le bulldozer ultralibéral ne sera entravé que par un puissant mouvement social, qui lui disputera, dans la rue, le pouvoir politique.


Alternative libertaire le 23 juin 2009

 
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