Bolivie : Des anarchistes face à Evo Morales




Combate c’est un périodique et un groupe récent, né entre 2001 et 2003 durant la « guerre du Gaz ». Comme souvent en Amérique latine, sa rhétorique est fortement marquée par l’anti-impérialisme et la revendication d’indépendance nationale.

L’anarchisme bolivien tire son histoire et ses pratiques de l’anarcho-syndicalisme de la Federación Obrera Local (FOL) des années 1920-1930, et est fortement influencé par la culture indigène portée par différentes ethnies aymaras, quechuas, guaranis et andino amazonicas.

La politique de Combate, fondé en 2006 à la capitale La Paz, est donc pour l’essentiel inscrite dans le syndicalisme – au sein de la Central Obrera Boliviana (COB) – et dans le mouvement étudiant ou de quartier.

Mais l’un des axes de Combate consiste aussi à faire le lien entre le projet anarchiste et ce qui, dans la culture indienne, s’oppose à la culture capitaliste héritée de la colonisation espagnole : des modes de lutte ancestraux, l’économie d’autosubsistance, le partage voire la collectivisation.

Au sein de Combate, plusieurs sensibilités coexistent : insurrectionnaliste, communiste libertaire et « autonomiste » (la traduction est malaisée). La division est un luxe que les compañeros ne peuvent se permettre... toutes les forces adhérant au projet anarcho-communiste sont donc les bienvenues. « Aujourd’hui, Combate fonctionne informellement, un peu par groupes d’affinité. Mais grâce au renouveau militant actuel, des débats pour une organisation plate-formiste [1] sont en cours », explique Diego, un camarade grand lecteur de Bakounine. Le Manifeste communiste libertaire, édité en 1954 par la Fédération communiste libertaire (FCL, France), semble très lu dans les milieux libertaires, y compris au-delà de Combate.

Combate dénonce avec virulence le gouvernement dirigé par Evo Morales, que le groupe qualifie de « pantin tranquillisant » recevant l’appui tacite des États-Unis pour faire taire le mouvement populaire né de la guerre du Gaz [2]. La force de Morales est surtout d’être un symbole : celui d’un dirigeant indigène arrivé au pouvoir grâce à un peuple luttant pour ses droits. Combate critique fortement la capitulation de Morales devant le pouvoir des multinationales et en appelle à un nouveau soulèvement populaire.

Projet libertaire et contexte bolivien

La Bolivie est un pays en développement au niveau des infrastructures de communication, routes et voies ferrées. La population rurale, pourtant très nombreuse, vit enclavée, en communautés. Cela ne facilite pas la circulation de l’information alternative et militante, mais n’interdit pas des formes de lutte décentralisées, comme on l’a vu pendant la guerre du Gaz. Le contexte s’est, ces dernières années, complexifié du fait d’une revendication d’indépendance de la région « riche et blanche » de Santa Cruz.

Dans ce pays où 80 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, l’économie de survie parallèle est considérable. Tout se passe dans la rue. Il n’y a pas ou très peu de supermarchés. La Bolivie détient de grandes quantités d’hydrocarbures – gaz naturel essentiellement, mais aussi pétrole - mais dispose de très peu d’infrastructures pour les exploiter. D’où la colonisation par les entreprises et les capitaux occidentaux. Les gigantesques mines de Potosi par exemple sont exploitées par les Espagnols, à l’exception d’une partie récemment nationalisée.

Dans ce contexte, la conscience politique est fortement modelée par l’anti-impérialisme, ce qui peut déboucher aussi bien sur un rejet du capitalisme, que sur un nationalisme extrêmement dangereux, que les camarades de Combate s’efforcent de contrecarrer.

Ghislain (AL Marseille, de La Paz)

[11. Sur la Plate-forme organisationnelle des communistes libertaires, lire AL n°170 (décembre 2007).

[22. La « guerre du Gaz » désigne les forts mouvements populaires, révoltes et affrontements (70 morts) pour la nationalisation des hydrocarbures entre 2001 et 2003. La guerre du Gaz s’est achevée avec la chute du président Sánchez de Lozada le 17 octobre 2003, puis avec le référendum obligeant le gouvernement à la nationalisation, signée le 1er mai 2006 par Evo Morales.

 
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