Sans-papiers : Le patronat sonné par la grève surprise




Une trentaine d’entreprises ont été touchées en avril par une grève surprise de leurs employé-e-s sans papiers contre leur surexploitation et pour leur régularisation. Un mouvement exemplaire qui a fait reculer l’État et le patronat en quelques jours.

C’est la répercussion directe des victoires enregistrées ces derniers mois chez Modeluxe, Buffalo Grill ou à La Grande Armée. La trentaine de grèves de travailleuses et de travailleurs sans papiers, lancées mardi 15 avril en Ile-de-France par la CGT (voir carte ci-contre), constituent un événement capital.

Dès le 22 avril au soir, le gouvernement était contraint de reculer en donnant l’assurance à la CGT que dans les cinq départements touchés, les préfectures « allaient étudier positivement » les dossiers de régularisation des grévistes. Ces promesses n’ont pas convaincu la confédération de Montreuil d’appeler à cesser le mouvement. Le lendemain, les piquets de grève étaient reconduits.

L’espoir soulevé est immense. Des sans-papiers continuent de prendre contact avec la CGT afin de passer à l’action.

Cette lutte arrive à un moment d’autant plus opportun que le patronat est empêtré dans ses dissensions internes, mais aussi et surtout parce qu’il découvre qu’il n’a pas de position claire sur cette question. De son côté, le patronat de l’hôtellerie-restauration a ouvertement appelé à la régularisation de dizaines de milliers de salarié-e-s.

Elargir la mobilisation

Il y a de quoi se réjouir, si ce n’est qu’il y a un hic : le mouvement d’avril aurait pu être plus unitaire. Il était en discussion depuis plusieurs mois au sein de la commission syndicale travailleurs sans papiers du collectif Uni-e-s contre une immigration jetable (Ucij), qui rassemble la CNT, la CGT, Solidaires et la FSU. C’est cette commission qui a réalisé le fameux quatre-pages à destination des salarié-e-s sans papiers, et a organisé les premiers meetings attirant des centaines de participantes et de participants.

À ce cadre unitaire mis en place au prix de nombreux efforts (dix-huit mois de travail, les camarades d’AL qui y ont contribué en savent quelque chose), la CGT a préféré l’action en solo. Patriotisme d’organisation, enjeu de syndicalisation, problématique de la représentativité syndicale qui ne pousse pas à l’unité... autant de raisons qui expliquent la situation actuelle.

Face à cette situation, les autres syndicats avaient plusieurs solutions :

– se fâcher. C’est ce qu’a fait la CNT en quittant la commission syndicale d’Ucij. Cette décision est compréhensible, mais n’influencera pas la CGT et ne poussera pas davantage les sans-papiers à s’adresser à la CNT ;

– soutenir les luttes, participer aux occupations en favorisant sur le terrain le pluralisme syndical. C’est ce qui a été fait sur plusieurs sites en lutte comme celui de Fabio Lucci à Paris XIXe.

– impulser d’autres grèves, comme celle du restaurant Charlie Birdy sur les Champs-Elysées le 20 avril, appuyée par Sud et la CNT. D’autres secteurs sont susceptibles de marcher, comme celui du nettoyage, où Solidaires et la CNT comptent des implantations solides et une combativité plus forte que la CGT qui, dans un certain nombre d’entreprises de ce secteur, passe pour le syndicat maison.

Les grèves d’avril sont enthousiasmantes, mais attention au retour de bâton. Il ne faut pas oublier que le salariat français est aussi marqué par le chauvinisme. Et passé l’effet de mode, l’amertume et la rancœur peuvent faire un retour en force si le mouvement d’avril ne sert pas de tremplin à d’autres luttes pour des augmentations de salaires, sur les conditions de travail et sur tout le reste.

Laurent Esquerre (AL Paris Nord-Est)

 
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