Capitalisme : La crise au Nord, la mort au Sud




La mondialisation capitaliste a pour effet de propager à grande vitesse une crise économique dont les États-Unis sont l’épicentre. Les financiers cherchent à préserver leur magot, les golden boys spéculent sur le blé et le riz, tandis que le coût de la vie devient intolérable pour les simples travailleuses et travailleurs. Déjà, au Sud, des émeutes éclatent autour des supermarchés.

Déclenchée en août 2007 par l’effondrement du secteur des subprimes (crédits hypothécaires à risque, lire Alternative libertaire d’octobre 2007) aux États-Unis, la crise a maintenant contaminé progressivement la totalité des marchés financiers, et touche l’économie réelle.

Au début les hautes sphères de l’économie mondiale se sont montrées rassurantes, mais aujourd’hui elles ne cachent plus leur inquiétude. Pour le Fond monétaire international (FMI), nous entrons dans la plus grande crise financière depuis la grande dépression des années 1930. Une comparaison qui souligne la gravité de la situation. Il est impossible ici de faire le tour des causes, des conséquences et des enjeux de ce qui se passe. En revanche, on peut dégager des tendances.

Sous la pression des évènements, l’orthodoxie libérale commence à se fissurer, on parle à nouveau de réglementation, d’intervention des pouvoirs publics. Impensables il y a encore quelques mois, les nationalisations font leur retour en Grande-Bretagne. En février, le Parti travailliste, au pouvoir, a été contraint de nationaliser la banque Northern Rock pour lui éviter la faillite. Il s’est engagé à récidiver si un autre cas se présente. Mais il n’est pas question de politique keynésienne, il s’agit seulement de sauver la mise des spéculateurs. Rien de nouveau sous le soleil, le capitalisme c’est la privatisation des bénéfices et la socialisation des pertes. Tant que tout va bien, les adeptes du marché libre exaltent le risque, quand ça commence à tourner mal, ils et elles se précipitent dans les bras protecteurs de l’État !

Sauver Wall Street du naufrage

Aux États-Unis où se trouve l’épicentre du séisme, la bourgeoisie cherche par tous les moyens à faire payer la facture de son avidité aux classes populaires. Hank Paulson, ancien président de la banque d’investissement Goldman Sachs et actuel grand argentier de la Maison Blanche, a concocté une nouvelle baisse d’impôts pour « soutenir la croissance ». Comme les précédentes, elle ne profitera qu’aux riches. Mais pas le moindre geste n’est fait pour la majorité de la population qui ne sait plus comment s’en sortir, entre les salaires qui stagnent, les prix qui flambent, les mensualités des nombreux crédits à taux variables qui grimpent. On s’attend à ce que le nombre de personnes qui reçoivent des bons alimentaires atteigne 28 millions cette année. Un niveau record depuis la création de ce programme d’aide dans les années 1960.

De son côté, le nouveau chef de la banque centrale, Ben Bernanke fait ce qu’il peut pour sauver Wall Street du naufrage. Il réduit massivement les taux dans l’espoir illusoire d’enrayer la chute des marchés immobiliers et d’éviter la récession. En même temps il injecte des milliards d’argent public dans les institutions financières chancelantes, mais en essayant de préserver les apparences de l’orthodoxie. Cette aide prend la forme de prêts que l’emprunteur garantit par des « produits dérivés », pourris ou douteux dont plus personne ne veut, et qui ne pourront donc pas être revendus par le prêteur en cas de problème. Ce n’est pas une nationalisation comme dans le cas britannique, cependant ce sont encore les pouvoirs publics qui prennent le risque à leur charge.

Ruiner le pays pour sauver les financiers

Au final, les remèdes des docteurs libéraux pourraient bien tuer le malade. Ils se traduisent par une baisse continue du dollar qui met en danger son rôle dominant dans le système financier international. Ainsi que par un recours croissant à l’emprunt qui dépend de la bonne volonté des créanciers. Or ceux-ci commencent à craindre que les États-Unis ne soient plus capables de rembourser une dette qui s’élève déjà à 9 000 milliards. L’afflux des capitaux étrangers, qui permettent au pays de vivre à crédit, commence à se tarir. Au dernier trimestre 2007, les investissements étrangers sont passés de 113 à 56 milliards. En accélérant la chute de la monnaie et l’envolée de la dette, la classe dirigeante prend le risque de ruiner le pays pour éviter la faillite des financiers.

La mondialisation capitaliste a pour effet de propager à grande vitesse la crise dans le monde entier. Comme une bonne partie des transactions de matières premières se font en dollars, sa baisse entraîne mécaniquement une hausse des cours et provoque une inflation mondiale. Le pétrole, qui a dépassé les 110 dollars le baril y contribue pour beaucoup. Ensuite, les spéculateurs désertent Wall Street et les produits financiers pour se réfugier à la bourse des matières premières de Chicago où il y a des perspectives de profits importants et rapides. La conjugaison de ces deux phénomènes est la principale cause de la hausse dramatique du prix des denrées alimentaires dans les pays pauvres. Dramatique, car selon les estimations de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’alimentation représente en moyenne 15 % des dépenses de consommation dans les pays riches, contre 70 % dans les pays pauvres.

Vague mondiale de grèves et d’émeutes

Des émeutes de la faim ont embrasé l’Égypte, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Sénégal, le Burkina Faso, l’Éthiopie, l’Indonésie, Madagascar, les Philippines et Haïti. Et ce n’est certainement que le début d’une vague mondiale de grèves et d’émeutes. Face à cette éruption de la lutte de classe, les États concernés répondent bien sûr par la répression, mais ils sont également contraints de prendre des mesures d’urgence pour limiter l’impact des cours internationaux sur les conditions de vie des populations. On assiste au retour de politiques bannies par le FMI et la Banque mondiale qui vont des restrictions à l’exportation, aux subventions et réductions tarifaires en passant par le contrôle des prix. Ce retour en force de l’interventionnisme étatique ne pourra pas empêcher des explosions sociales de grandes ampleurs si les cours poursuivent leur ascension.

Une fois de plus, le capitalisme met en danger l’existence de centaines de millions d’habitantes et d’habitants de la planète. À la globalisation de la misère et de la famine, opposons la globalisation des luttes. La question de la redistribution des richesses au niveau mondial est à l’ordre du jour.

Hervé (AL Marseille)

 
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