Grèce : Trois grèves générales et une trahison




Ces six derniers mois, la terre aride du mouvement ouvrier grec a commencé à fleurir. La contre-réforme du gouvernement de droite sur la Sécurité sociale a fait naître une vague de luttes. Le pays n’avait pas connu un tel mouvement depuis les années 1980.

Le mouvement ouvrier grec a presque toujours été dominé par un système syndical corrompu. Avec une seule confédération syndicale (GSEE), totalement verticale, voire para-étatique [1], au sein de laquelle s’opposent des fractions de partis politiques, la possibilité d’avoir des syndicats indépendants et radicaux est très faible dans le pays. Le contrôle des salarié-e-s sur leur syndicat est inexistant, de même qu’est inexistant le contrôle des syndicats sur les fédérations, et celui des fédérations sur la confédération.

Pourtant, la promulgation de la loi sur la Sécurité sociale [2], la troisième en quinze ans [3], a provoqué un immense mouvement des syndicats à la base. Les salarié-e-s du nettoyage, et celles et ceux de la compagnie nationale d’électricité ont initié la grève et ont tenu pendant trois semaines. La GSEE a été obligée de suivre, en appelant à la grève générale pour le 12 décembre : 200 000 travailleurs et travailleuses ont manifesté dans tout le pays.

Malgré les pressions à la base pour donner une suite à l’action, la GSEE a reporté la deuxième grève au 13 février. Record de mobilisation pour cette seconde journée. 28 syndicats de base ont alors réclamé la grève illimitée mais la GSEE a de nouveau temporisé jusqu’au 18 mars. Et pourtant, plus de 350 000 travailleuses et travailleurs sont descendus dans la rue : la plus grande mobilisation que la Grèce ait connue depuis la fin de la dictature de colonels en 1974.

Le lendemain de cette mobilisation, un parti « à gauche de la gauche », Synaspismos a proposé une « autre forme » à la lutte. À la place des grèves, il a proposé de recueillir des signatures pour obtenir un referendum sur la Sécurité sociale.

Une confédération syndicale alternative ?

La GSEE a accepté cette proposition, en appelant les fédérations syndicales à participer à cette campagne plutôt qu’à préparer une nouvelle grève. Le courant syndicaliste de base était encore trop immature pour riposter à cette décision. Le courant syndical du Parti communiste (Pame) a, lui, appelé à la grève pour le 16 avril. Plusieurs milliers de travailleurs l’ont suivie. Mais la grève n’a touché que les fédérations contrôlées par le PC (20 % de la GSEE). Trois jours plus tard, un millier de personnes ont manifesté à Athènes contre la GSEE et sa direction. Cette manifestation était appelée par trois syndicats de la GSEE (libraires, serveurs, distributeurs), par l’Union syndicaliste libertaire (ESE) et deux syndicats indépendants.

Cette manifestation, plutôt massive pour la Grèce, pose la question de la création d’une nouvelle confédération syndicale, alternative à la GSEE. Deux mois après la trahison d’un mouvement de grève de masse et l’adhésion totale du mouvement syndical au parlementarisme, ce débat est nécessaire.

Yannis Androulidakis (ESE grecque)

[11. Quand le PS (Pasok) est au pouvoir, le secrétaire général de la GSEE devient ministre du Travail.

[22. Passage de 35 à 37 annuités, abolition totale des retraites anticipées (55 ans) de maternité, restriction des régimes spéciaux des professions pénibles, augmentation des cotisations, abolition des caisses d’entraide.

[33. En 1993 le gouvernement de droite a augmenté les années de cotisation pour les deux tiers des branches, puis en 2001 un gouvernement socialiste a achevé cette contre-réforme.

 
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