Dossier 68 : Pour un nouveau Mai




Cette société déprimée, résignée, amère, que le capitalisme fait crever à petit feu, a besoin d’un choc salvateur. D’une conflagration sociale de grande ampleur. D’un ras le bol généralisé et dévastateur. D’un retour fracassant des classes populaires sur la scène politique. D’un triomphe de la gauche de la rue. D’un réveil de la conscience et de la confiance dans l’action directe. D’une régénération du mouvement syndical. D’une solidarité de classe, antiraciste, féministe, à toute épreuve.

Pour toutes ces raisons il nous faut un nouveau Mai 68… mais – rêvons un peu – un Mai qui aille jusqu’au bout cette fois !

Plus question de s’arrêter en route, pendant que Thibault et Parisot cherchent un compromis dans la panique à Grenelle, que Sarkozy fait ses valises pour Baden-Baden, et que Jospin annonce pour la énième fois son retour dans l’indifférence générale.

La grève générale
de mai-juin 1968 a pénétré partout, jusque dans les petites boîtes souvent éclipsées par les grandes usines en lutte. Ici les établissements Gobin-Daudé à Asnière (Hauts-de-Seine). Photo Jean-Claude Seine.

Non, cette fois, il faut que ça parte pour de bon. Qu’on ne se contente pas d’une grève générale qui fasse péter tous les scores avant de s’étioler, mais qu’on redémarre les entreprises pour les mettre au service exclusif de la population. C’est dès maintenant qu’il faut créer des LIP partout, pas avec cinq ans de retard. C’est dès à présent que l’autogestion doit devenir le mot d’ordre central, que les comités d’action dans les quartiers, dans les entreprises, dans les universités, doivent se constituer en force politique, que le pouvoir populaire doit concurrencer, puis démanteler le pouvoir d’État.

Il faudra en passer par là pour édifier une société communiste et libertaire.

Mais… deux minutes… et si demain on refaisait Mai 68 pour échouer à nouveau ? Pour engendrer les Cohn-Bendit, les BHL, les Glucksmann, les Serge July et les Kouchner d’après-demain ? — Qu’importe ! La révolution vaut qu’on prenne ce genre de petit risque. Il y a bien d’autres dangers qui nous guettent si on ne la fait pas…

Et même si ce nouveau Mai 68 se termine, comme le précédent, en queue de poisson, même s’il se contente d’amorcer une nouvelle décennie rouge, nous n’aurons pas perdu notre temps. Nous aurons au moins réveillé cette société déprimée, résignée, amère, que le capitalisme fait crever à petit feu, et qui a tant besoin d’un choc salvateur.

Édith Soboul
(secrétariat fédéral d’AL)


Tous les articles du dossier :
 Pour un nouveau Mai
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 Après une décennie de marasme, le mouvement anarchiste reprend pied
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 « Mé 67 », massacre colonial en Guadeloupe
 Carte : Huit semaines sur le fil du rasoir
 Carte : Le 10 mai, nuit des barricades
 Carte : dans le monde, 1968-1969 : années héroïques
 Jacques Baynac : De Citroën à Censier, solidarité !
 Un nouveau point de départ pour le féminisme
 Homosexualités : Le big bang des mouvements d’émancipation
 Lire : Xavier Vigna, « L’insubordination ouvrière dans les années 68 »
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