antifascisme

Campus Wars : les élites réacs contre-attaquent




Sous prétexte de faire taire la pensée unique, une offensive réactionnaire est à l’œuvre dans le monde universitaire depuis plusieurs années. Leurs cibles  : les bien-pensantes, les « islamo-gauchistes » et depuis peu les wokes. Théorisée aux États-Unis sous le terme de Campus Wars, cette rhétorique est aujourd’hui reprise par des ministres eux-mêmes.

Les attaques contre l’Université, qui restaient cantonnées il y a encore quelques années à l’extrême droite, ont été ces deux dernières années perpétrées par rien de moins que les ministres de l’Intérieur, de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur. Frédérique Vidal (ministre de l’Enseignement supérieur) allant jusqu’à déclarer que l’islamogauchisme gangrenait non seulement l’Université mais aussi toute la société.

À Sciences Po Grenoble, en mars 2021, une polémique a également éclaté autour de l’organisation d’une journée sur l’islamophobie. Il s’agit en fait d’une forme d’adaptation d’une lutte dénommée les Campus Wars de l’autre côté de l’Atlantique. En témoigne l’utilisation du terme «  wokisme  », venant du mot woke qui signifie originellement «  éveillé, conscient de l’existence de systèmes d’oppression au sein de la société  », et qui a été repris comme anathème par la droite conservatrice américaine.

Aux États-Unis, l’affaire la plus connue a lieu en mars 2017 à l’université d’Evergreen. Sur le campus l’ambiance est tendue du fait de la récente élection de Donald Trump, ainsi que d’affaires de violences policières. Les personnes racisées de l’université, qui organisaient depuis les années 1970 un «  jour d’absence  » lors duquel elles quittaient le campus afin de sensibiliser au racisme, décident cette année-là d’inverser les rôles et demandent aux personnes blanches de ne pas venir sur le campus.

campus d’evergreen

Les médias conservateurs comme Fox News sautent sur l’occasion pour faire de l’événement la démonstration de la mainmise des militants et militantes antiracistes sur les universités. La forme est globalement la même que celle que l’on verra ensuite en France. En plus du «  wokisme  », la droite fustige également la critical race theory et le marxisme culturel (cultural marxism).

Une élite néoconservatrice à la manœuvre

En matière de complot, les pourfendeurs de l’université ne sont pourtant pas en reste... Ces attaques qu’ils cherchent à faire passer pour une colère populaire légitime face à une élite culturelle malveillante sont soigneusement entretenues par certaines personnes qui sont loin d’appartenir aux classes laborieuses.

L’étude du cas de la critical race theory fait apparaître le rôle troublant d’un nommé Rick Berman (surnommé « Dr Evil ») et de son entreprise de lobbying Berman and co, qui milite d’habitude contre les droits syndicaux au sein des grandes entreprises. Cette entreprise a lancé au cours des dernières années plusieurs campagnes contre l’enseignement de la critical race theory, supposément au nom de «  parents inquiets  », et en arguant frauduleusement du support de plusieurs associations antiracistes.

Incapables d’opposer une argumentation rationnelle à la dénonciation du racisme ou du patriarcat, l’extrême droite, ici comme aux États-Unis appuyée par la fine fleur du capitalisme, s’en remet donc à ses armes habituelles  : la confusion, la diffamation et le complotisme. Il nous revient d’y répondre en défendant une Université ouverte, émancipatrice et indépendante des intérêts privés.

Nicolas (UCL Grenoble)

 
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