Témoignage : relents bruns dans les Pyrénées
Dans les années post-68, terres d’installation de populations marginales et contestataires sur fond de participation aux luttes et de solidarité avec l’Espagne antifranquiste, les arrière-pays voient depuis une vingtaine d’années s’installer d’autres « radicaux » d’un autre type. Témoignage :
À l’époque de mon retour, sont apparus plusieurs gourous autour de l’annonciation de la fin du monde prévue pour 2012 avec un lieu, le pic de Bugarach (Aude), où seuls quelques initiées allaient survivre. Des membres de sectes millénaristes s’étaient installés dans la montagne, construisant des bunkers, accumulant des réserves de vivres. D’autres, après un festival international Rainbow, sont restés sur place, et certains d’entre-eux – que l’on pourrait qualifier d’ultragauche et se réclamant du « communisme fondamentaliste » – développent aujourd’hui des positions « accélérationnistes » quitte à applaudir à la fois les pires aspects de l’ultralibéralisme ainsi que l’ultradroite, comme nous rapprochant de la fin du système capitaliste ! Libertariens ?
Ensuite la galaxie soralienne s’est implantée dans la vallée du Vallespir. D’abord avec la présence de l’un des porte-paroles d’Égalité et réconciliation (E&R), avec sa devise « Gauche du travail, droite des valeurs : pour une réconciliation nationale ! », installé sur la frontière espagnole, à quelques centaines de mètres des mas où furent arrêtés des jeunes libertaires espagnols et français au début de 1978 [1].
Retour à la terre et aux racines du fascisme
Et c’est en ces lieux que se sont tenus les universités d’été 2019 et 2021 du mouvement fondé par Soral. Mais aussi, avec l’aura d’un naturopathe célèbre – inondant Youtube de conseils en thérapies à base de jus de fruits et de légumes, sensées guérir de toutes les maladies, celles-ci n’étant que des inventions – qui a rejoint le mouvement de Soral en 2015.
Dans le confusionnisme ambiant autour de la pandémie et des mesures sanitaires avec leur dimension de contrôle social, le succès fut au rendez-vous ; à tel point que d’authentiques anarchistes furent capables d’en gommer son allégeance néofasciste au nom de ses bons conseils en santé naturelle.
On peut y entendre que le véritable projet socialiste était le fascisme des origines, mussolinien, et qu’il faut revenir aux sources, notamment grâce aux livres publiés par Kontre Kulture, maison d’édition d’Alain Soral,
D’ailleurs les publications plus ou moins soraliennes, telles que Eléments, Réagir et agir ne manquent pas de signaler qu’un Zemmour reste pour ces gens-là trop partisan de la liberté d’entreprise quand bien même il reprend nombre de leurs slogans. En fait, ils lui reprochent de ne pas être un vrai fasciste [2]. Quant à Marine Le Pen, ils la considèrent comme quasi tombée à gauche !
Ces idées nauséabondes exercent une influence notoire sur toute une jeunesse locale assez désœuvrée sur fond d’une certaine fascination devant tous ces antisystèmes. Ce sont ces mêmes errances qui virent des anarchistes et des écologistes sincères manifester les samedis contre la « dictature sanitaire » et le « fascisme macronien », non pas ensemble, mais parfois côte à côte, avec des individus dont le vert foncé a tendance à virer au brun. Le milieu libertaire radical perpignanais commence heureusement enfin à dénoncer ces proximités incongrues. S’il ne faut pas renoncer à dénoncer le quasi-état d’urgence permanent et la société de contrôle qui se renforce, il faut refuser les alliances de circonstance.
Serge Dokamo
