Culture

Lire : Murray Bookchin, « La révolution à venir »




Murray Bookchin consacre cet ouvrage à son projet communaliste. Laissons-lui la parole... en le citant abondamment.

« Le XXIe siècle sera-t-il le siècle le plus révolutionnaire de tous les temps ou au contraire celui de l’affirmation des tendances les plus réactionnaires que nous ayons connues – à moins qu’il n’ouvre une ère morose de désolante médiocrité  ? »

Pour Murray Bookchin, il n’y a pas de doute : les réponses apportées ne pourront être que collectives. Aussi nous soumet-il un ensemble de réflexions visant à régénérer la pensée radicale, dépasser les acquis et les manquements ou les errances des pensées socialistes du XIXe siècle, pour mieux faire face à de nouveaux défis.

« Parmi les idéologies ouvertement anticapitalistes du passé […] aucune n’a aujourd’hui gardé la pertinence qu’elles avaient dans des phases antérieures du développement capitaliste et à des périodes révolues du progrès technologique. Aucune ne peut non plus espérer embrasser la multitude de questions, d’options, de problèmes et d’enjeux que le capitalisme n’a cessé de faire surgir au fil du temps. »

Nous devons créer notre monde en toute conscience

Il reconnaît cependant que « notre dette envers Marx est immense. […] Le marxisme a constitué l’entreprise la plus complète et la plus cohérente de production d’une forme systématique de socialisme... » Mais pour l’essentiel, les principes économiques du marxisme datent du capitalisme industriel naissant du XIXe siècle, c’est pourquoi ils ont manqué la prise en compte de phénomènes aujourd’hui plus prégnants comme l’écologie, les questionnements sur le progrès et la croissance, ou encore les interrogations sur le pouvoir, la démocratie. L’anarchisme, s’il « représente en fait l’expression la plus extrême de l’idée d’autonomie absolue » aurait développé, selon lui, des errances comme « le mythe anarchiste de l’autorégulation, l’affirmation radicale de la primauté de l’individu sur la société,... le rejet de toute responsabilité individuelle vis-à-vis du collectif… » Cette critique s’adresse surtout à certaines déclinaisons individualistes de l’anarchisme et il est à regretter parfois certains raccourcis qui englobent derrière une seule et même dénomination des réalités organisationnelles bien différentes.

Ses interrogations n’en traversent pas moins nos quotidiens militants. « Aussi joyeuses que puissent être parfois les révolutions, elles sont avant tout sérieuses et même sanglantes ; et si elles ne sont pas menées intelligemment et avec habileté, elles aboutissent invariablement à la contre-révolution et à la terreur. »

Son projet communaliste s’édifie autour des acquis de ses prédécesseurs. « Du marxisme, il retient le projet fondamental de formulation d’un socialisme rationnel, systématique et cohérent qui intègre la philosophie, l’histoire, l’économie et la politique. De l’anarchisme, il retient son engagement contre l’État et pour le confédéralisme, ainsi que la conscience que la hiérarchie est un problème essentiel... » Pour ce faire, le projet communaliste « ne se concentre ni sur l’usine comme principale arène sociale ni sur le prolétariat industriel comme principal agent historique. » . Il implique une communauté politique locale et fédérée aux autres. Cela demande de « s’engager dans une politique communaliste associée à une praxis municipaliste libertaire ; c’est-à-dire un mouvement et un programme qui émergent sur la scène politique locale pour promouvoir des assemblées populaires de ville et de quartier ainsi que le développement d’une économie municipalisée. » En cela, « Le communalisme est une critique de la société hiérarchique et capitaliste dans son ensemble. Il vise à modifier non seulement la vie politique de la société, mais aussi sa vie économique. »

Un livre de réflexions qui interroge nos théories et nos pratiques sociales. Autant de pistes de réflexions à mûrir.

Dominique Sureau (UCL Angers)

  • Murray Bookchin, La Révolution à venir, Assemblées populaires et promesses de démocratie directe, Agone, 2022, 336 pages, 22 euros.
 
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