International

Entretien. Soundz of the South (collectif hip-hop d’Afrique du Sud) : « Une part de nos traditions et cultures nous ont été enseignées à travers la construction coloniale »




À l’occasion de leur tournée en France en juin dernier, nous nous sommes entretenus avec des membres du groupe sud-africain de hip-hop anarchiste Soundz of the South.

Soundz of the South  : Le collectif a été formé à Cape Town en 2008 suite à une conférence avec des artistes du Cameroun, du Kenya, du Zimbabwe, de la Tanzanie et d’Afrique du Sud. Il s’agissait de répondre à des agressions xénophobes et de créer des espaces d’échange autour des concepts tels que l’appartenance et la nationalité. Dans ces espaces, nous cultivons l’esprit critique avec du matériel informatif et nous espérons que cela inspire la jeunesse à s’auto-organiser. Nos principes en plus de cultiver l’esprit critique sont la solidarité, l’entraide, l’auto-organisation et la construction inclusive des communautés, pour que les gens deviennent actifs face à l’oppression, l’exploitation capitaliste, le racisme, le patriarcat et le sexisme.

Alternative libertaire : Quelle dimension internationale donnez-vous à votre réflexion et quelle place donnez-vous aux identités locales ?

Tout d’abord une approche internationaliste était nécessaire de notre côté parce que les frontières sont une pierre d’achoppement et limitent déjà l’organisation dans la région. Nous nous inspirons des Black Panthers, des zapatistes, du mouvement kurde. Au départ nous nous sommes aussi intéressés au panafricanisme, mais avec le temps nous avons trouvé cette idée trop limitée.

Notre analyse est que plusieurs traditions et éléments culturels que nous suivons en tant que personnes d’Afrique du Sud ont été dilués pour encourager le développement des institutions qui favorisent certaines idéologies coloniales. À Soundz of the South, nous essayons de décoloniser et déconstruire ce qui nous a été présenté comme une part de nos traditions et cultures car ces éléments nous limitent et ne nous appartiennent pas vraiment. Ils nous ont été enseignés à travers la construction coloniale.

Si nous ne nous intéressons pas à la pluralité d’identités en Afrique du Sud, nous nous isolons et isolons les personnes avec qui nous voulons nous organiser. Donc il est important d’utiliser des langues indigènes pour créer de la place pour celleux qui ne comprennent pas l’anglais ou qui ne sont pas anglophones. Nous voulons que les personnes se sentent les bienvenues dans nos espaces quand elles parlent leur langue et qu’ils et elles puissent comprendre les concepts politiques, qui sont souvent des mots en anglais, dans leur propre langue.

AL : En écoutant vos chansons, il est évident que les questions de classe sont liées à la question de la race, comment l’antiracisme se développe dans les syndicats d’Afrique du Sud ?

Le mouvement syndical dans notre pays a un grand défi car la majorité des syndicats sont affiliés à la Confederation of South African Trade Unions (Cosatu) qui est alignée sur l’ANC qui gouverne le pays. Cela nuit à la crédibilité des syndicats donc aujourd’hui les gens préfèrent l’auto-organisation ou aller dans des syndicats indépendants comme la Sasawu et la Casawu.

Propos recueillis par l’UCL en juillet 2022

 
☰ Accès rapide
Retour en haut