Antipatriarcat

Droit à l’avortement : Retour morbide des « pro-vie »




Le combat pour le droit absolu à avorter n’est pas qu’une lutte à mener dans les pays du Sud. Ici aussi en Occident, ce droit, pas totalement acquis dans plusieurs pays, est régulièrement remis en question. Les réactionnaires de tous poils ne supportent pas que nous puissions jouir librement de nos corps. Toujours actifs, les anti-IVG sont présent dans la rue et sur la Toile.

Les intégristes chrétiens imposent l’avortement comme un problème moral et fondent leur doctrine sur une double argumentation  : la protection de toute vie de son début embryonnaire à sa fin, et la soumission aux lois de la nature comme expression de la volonté divine.

Ils partent d’un fait scientifiquement fondé  : il existe des cellules vivantes, des organismes vivants, mais ensuite, par une pirouette intellectuelle, cet amas de cellules devient une personne humaine dotée d’une âme mais sans aucune liberté de choix (l’âme appartient à Dieu). Au nom du respect de la «  vie  », ils véhiculent un modèle de société où la personne ne décide de rien, femme-réceptacle, homme «  chef de famille  », enfant «  don de dieu  ». Hors de la famille point de salut, nulle place pour d’autres modes de vie.

Les groupes anti-avortement se nommentn eux-mêmes pro-vie. C’est vrai que ça passe mieux que « fous de dieu », « anti-liberté » ou « haine des femmes ».

Les groupes anti-avortement se nomment eux-mêmes pro-vie. C’est vrai que ça passe mieux que « fous de dieu » ou « anti-liberté » ou « haine des femmes ». De plus, cela implique de définir leurs adversaires, défenseurs de la liberté de choix, de sa sexualité et de sa procréation, comme des pro-morts. Leur amour de la vie, c’est d’abord la haine des femmes, c’est aussi la haine du plaisir. Ils et elles combattent l’éducation sexuelle et le contrôle des naissances qui débouchent sur une sexualité libre, dégagée de la contrainte de la reproduction ainsi que sur le choix de son orientation sexuelle.

Des «  pro-vie  », surtout anti-liberté

On connaît les affreux réacs qui s’enchaînent devant et dans les centres d’IVG, brandissant des crucifix, insultant les patientes et brutalisant les infirmières. On mesure moins l’impact d’activités plus discrètes et souterraines.

Profitant du besoin d’information des femmes et de l’entretien pré-IVG obligatoire prévu par la loi Veil, les opposantes à l’avortement ont créé une flopée d’associations d’«  aide  » aux femmes. Et sous ce prétexte, elles et ils cherchent uniquement à dissuader les «  futures mères  » d’avorter  : culpabilisation, production de chiffres fallacieux sur les dangers de l’avortement, proposition d’abandonner l’enfant «  comme ça au moins il vivra  », etc. Les médecins acquis à cette cause font office de rabatteurs pour ces associations, dont certains sites sont en première ligne sur le web.

Certaines de ces associations sont subventionnées par les pouvoirs publics, non pas tant parce que ceux-ci ignoreraient leur objectif, mais parce que les anti-IVG ont aussi de nombreux relais au sein des institutions étatiques et supranationales, dans l’Union européenne et à l’Onu.

Sans proposer de loi re-criminalisant l’avortement, ces abolitionnistes s’acharnent à créer des lois et amendements qui grignotent ce droit de toutes parts  : reconnaissance du fœtus comme une personne, baisse des subventions aux plannings et des crédits alloués aux hôpitaux en général et aux centres de contraception et d’interruption volontaire de grossesse (CIVG) en particulier… Alors qu’il y aurait tant à gagner encore sur le terrain du libre choix de nos sexualités et de la procréation, nous voilà réduites à défendre les miettes d’un droit qu’on pensait acquis et à propos duquel on a trop rapidement manqué de vigilance.

Des groupes bien installés dans les instances officielles

La conséquence logique d’une idéologie qui donne à la femme le rôle de reproductrice est l’imposition d’une seule et unique sexualité  : entre un homme et une femme. Cette hétéronormalité porte en elle la haine de celles et ceux qui n’entrent pas dans la norme  : homophobie, lesbophobie, bi ou transphobie.

Commission antipatriarcat de l’UCL


LA NÉBULEUSE ANTI-IVG 2.0

On peut faire état de l’ensemble des complotistes, covidosceptiques et militants anti-avortement qui font croisade commune sur le Net, et qui ont fait l’objet d’un article du journal Libération le 7 juillet 2022  : «  Sur YouTube, Twitter ou Facebook, des influenceurs issus de mouvances d’extrême droite, complotistes ou covidosceptiques font preuve d’une propagande intensive contre l’avortement. Un soutien non négligeable pour les associations anti-IVG  ».

On peut nommer parmi ces «  influenceurs  », Thierry Casanovas, gourou sectaire proche d’Égalité et Réconciliation, l’avocat et chrétien réactionnaire Fabrice Di Vizio ou la généticienne Alexandra Henrion-Caude.

Certains publicisent le discours de Louis Fouché, anesthésiste-réanimateur de l’association Réinfo Covid, et parlent à des communautés dont les effectifs ont explosé avec la pandémie de Covid, et dont les membres finissent par absorber les discours anti-avortement pour les mêler à leurs obsessions complotistes. Ces personnages touchent des internautes parfois éloignés des canaux anti-IVG traditionnels.

L’association Alliance Vita, la fondation Jérôme-Lejeune, SOS tout-petits ou la Marche pour la Vie sont certes actives en ligne, mais leur audience reste plutôt limitée. Libération a pu confirmer, que les sites Moncorpsmonchoix (reprenant un slogan défendant le droit à l’avortement) ou Parlerdemonivg.com apparaissent liés à l’entrepreneur Emile Duport, très actif dans les milieux catholiques réactionnaires.

Si ces plateformes de désinformation restent très peu consultées, d’autres connaissent bien plus de succès
telles que la page Facebook «  IVG  : vous hésitez  ? Venez-en parler  !  » compte ainsi plus de 100 000 «  j’aime  ». Adossée au site, tenu par des militants catholiques, elle renvoie à un numéro vert qui, selon de nombreux témoignages, tente de dissuader les femmes appelantes d’avorter.

 
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