Antipatriarcat

Marches des fiertés : Pride de nuit, Pride de jour




Alors que le mariage pour toutes fête ses dix ans, que les lesbiennes cis ont accès à la PMA, que des drapeaux arc-en-ciels sont peints sur nos passages piétons, certaines considèrent que les luttes LGBTI n’ont plus lieu d’être. Vraiment ?

Comme chaque année, le mois des fiertés ouvre une période où la vie intra-communautaire LGBTI est plus particulièrement effervescente  : évènements festifs, manifestations massives (à l’échelle de la population LGBTI) et évidemment une large vague de pink-wahsing, stratégie qui consiste, pour les entreprises, à se donner une image « LGBT-friendly » à grands coups de drapeaux arcs en ciel.

Pour autant, l’ambiance festive et la récupération crasse de la frange «  progressiste  » du patronat ne nous font pas oublier l’état lamentable de la situation des LGBTI en France et à l’international  : PMA incomplète, discriminations à l’emploi et au logement, agressions de rue, harcèlement, violences intra-familiales… Tout cela sur fond d’une large offensive transphobe. Les raisons de se révolter ne manquent donc pas pour les LGBTI.

2023 : où en sont les prides ?

Les marches des fiertés sont en général organisées par des collectifs dépolitisés et dépolitisants ayant pour seul but de produire des évènements festifs. Parfois elles sont même directement gérées par les mairies sociales démocrates… Avec tout ce que ça induit  : membres de la police dans le service d’ordre, impossibilité de faire entendre des mots d’ordres sociaux, interdiction des syndicats et des organisations politiques. Pour autant, elles restent des événements qui attirent largement et regroupent un vaste public LGBTI, dont une grande partie est simplement venue célébrer sa fierté.

Face à ce constat, une partie du milieu LGBTI organisé et politisé à décidé depuis environ une décennie en France d’organiser des prides « radicales » ou des « prides de nuits » alternatives, pensées comme des manifestations à contre-courant des marches des fiertés libéralisées où les LGBTI se contentent de venir pour danser.

Au fur et à mesure des années ces prides radicales ont permis de renforcer les liens entre le mouvement féministe autonome et les groupes intra-communautaires LGBTI. Elles ont aussi aidé à tisser des liens, jusqu’à présent quasiment inexistants, entre une frange du mouvement antiraciste radical et des groupes spécifiques LGBTI.

Pour autant, si on ne peut pas leur enlever ces effets positifs, elles ont toujours été vouées à la marginalité. Animées par des mots d’ordres ultras-radicaux hors sols et organisées comme des formes de contre-rassemblements, elles sont condamnées à n’attirer qu’une infime partie du milieu militant antipatriarcal, critique des récupérations bourgeoises et de la perte de combativité des prides officielles.
Une stratégie similaire a consisté à former des cortèges radicaux au sein des prides avec des mots d’ordres jusqu’au-boutistes et ostracisants. Elle a également eu pour malheureuse conséquence de renforcer la barrière entre les militantes LGBTI combatifves et les manifestantes non politisées.

Se doter d’une stratégie

Il serait impensable pour les communistes libertaires, en tant que militantes conscientes de la nécessité de mettre à bas le système de domination patriarcal, de ne pas intervenir sur les questions LGBTI. Les améliorations immédiates de conditions de vie et de travail des LGBTI à gagner sont nombreuses, et ces rassemblements offrent des occasions de défendre la nécessité révolutionnaire pour des pans entiers des opprimées.

Mais, pour ce faire, nous devrions être en capacité de déterminer des objectifs révolutionnaires dans les prides, au-delà des arguments moraux. Et, sur la base de notre volonté de convaincre un maximum d’exploitées de l’hypothèse révolutionnaire, il faudrait également faire émerger une conscience de classe et défendre des mots d’ordres sociaux  : une avancée pour le prolétariat est souvent une avancée pour les travailleurs et travailleuses LGBTI.

La critique du libéralisme qu’il soit droitier ou radicaliste, est nécessaire mais ne suffit pas, et c’est pourquoi il est vital d’élaborer des propositions en phase avec les besoins des LGBTI mobilisées pour se mettre en mouvement (social) au-delà d’une marche tout les ans.

Créer et défendre l’unité de classe devrait également passer par l’intensification des liens avec le mouvement féministe autonome [1] et évidemment avec le mouvement syndical et associatif [2] de lutte. Les LGBTI devraient s’allier aux luttes des femmes pour abattre le patriarcat, et pour défendre leurs droits aujourd’hui comme pour détruire la société capitaliste qui les opprime doublement. Cette lutte pourrait également se faire en lien avec un syndicalisme de combat.

L’unité face au fascisme

Pour autant, ces alliances ne peuvent se faire à tout prix et nécessitent aussi la prise en compte des spécificités des luttes LGBTI par ces organisations. Et cette évolution ne peut se faire l’organisation autonome des LGBTI en leur sein.

Sur la base des objectifs déterminés, les révolutionnaires devraient toucher le plus largement possible. Il nous faudrait être audibles tout en œuvrant pour l’unité avec des forces militantes parfois récalcitrantes. Il est toujours envisageable d’assurer une présence dans les prides radicales pour leurs aspects positifs, mais l’aspect principal de l’intervention des révolutionnaires devrait se faire là où le mouvement est massif. La construction de cortèges de lutte (et non pas « radicaux ») dans les marches des fiertés officielles devrait être envisagé et étudié dans des cadres unitaires alliant les forces syndicales et associatives de lutte, les organisations politiques combatives et le mouvement féministe autonome.

Dans tous les cas, qu’elles soient radicales ou libérales, les marches des fiertés ont pour point commun d’être une cible de choix pour les fascistes, pour qui la violence contre les LGBTI représente le fer de lance de leur idéologie patriarcale. Étant donné qu’à leur yeux, les minorités sexuelles et de genre incarnent un danger civilisationnel, il faut nous attendre à une multiplication des attaques physiques sur les prides où sur les lieux communautaires LGBTI [3] dans les mois et années à venir.

Pour nous défendre des homophobes, nous savons que nous ne pourrons pas compter sur une police qui se contente de disperser violemment les agresseurs comme les agressées.

C’est pourquoi l’unification des méthodes, adaptées aux contextes locaux, pour former un mouvement LGBTI combatif, unitaire et de classe devrait être une priorité dans la lutte antipatriarcale.

Lou (UCL Grenoble)

[1C’est à dire « autonome » des organisations politiques et syndicales. En France il est principalement représenté par la coordination féministe.

[2Nous pensons à des associations de solidarité concrète comme le planning familial ou le droit au logement (DAL).

[3Voir le bulletin d’info D genrés D sexualité, printemps-été 2023 de la commission Genre et Sexualité de Solidaires pour un recensement des attaques passées.

 
☰ Accès rapide
Retour en haut