Culture

Lire : Emmanuelle Richard, « Hommes »




En cette rentrée littéraire, un titre s’arrache en librairie  : Cher Connard, de Virginie Despentes. Un roman épistolaire post-metoo, dans lequel un auteur reconnu, accusé de harcèlement par son ancienne attachée de presse (aujourd’hui blogueuse féministe reconnue), confie son incompréhension et ses lamentations (très agaçantes) à une grande actrice, sur laquelle il s’est permis d’écrire un post instagram « drôle » (c’est-à-dire insultant) après l’avoir croisée dans la rue. Elle prend connaissance de son texte, réagit en lui écrivant, il lui répond en s’excusant, elle refuse ses excuses, il répond encore, et la correspondance, mine de rien, s’enclenche. Dans son style toujours aussi trash et très littéraire, l’autrice de King Kong théorie se propose de vivre le scandale aux côtés de l’accusé. Sans jamais minimiser ses responsabilités, mais en nous donnant à lire son vécu, son sentiment d’injustice, son absolu manque d’empathie, de remise en question de lui-même. Heureusement, comme nous sommes dans un roman, le personnage évolue, grâce à sa correspondante et à d’autres personnes qui savent lui parler honnêtement, et le texte de Despentes se clôt si bien qu’il serait fort utile de l’offrir à toutes les personnes qui gardent le réflexe de soupçonner un mensonge quand on leur parle d’une femme qui accuse un homme.

Un autre livre, moins remarqué, nous semble à même de compléter le propos. Hommes, d’Emmanuelle Richard, nous embarque dans les pensées d’une femme, businesswoman à succès, qui voit un jour s’afficher dans son fil d’actu le visage d’un homme avec qui elle a eu une histoire bien des années auparavant. Il est recherché, pour féminicide. Elle n’est pas surprise. C’était dans une autre vie, un autre pays, elle a essayé d’oublier ce qu’elle a vécu, cette sensation d’être prise au piège, mais aussi cette grande envie de lui... Pendant tout le roman, l’héroïne essaie de voir clair dans ce qui s’est joué à ce moment, se demande si elle doit aller témoigner (mais pour raconter quoi  ?) En plus de nous plonger dans le flou qui règne dans les situations malsaines ou dangereuses, la grande force du texte réside dans sa façon d’exposer très clairement à quel point évoluer en tant que femme dans un espace public est une lutte permanente. Comment bâtir une relation hétérosexuelle saine quand on passe sa vie à considérer l’autre sexe comme un danger  ? Comment sortir de la domination masculine  ? Est-ce seulement possible  ? Un vrai plongeon, en apnée, dans la culture du viol.

Mélanie (UCL Grand Paris Sud)

  • Emmanuelle Richard, Hommes, L’Olivier, août 2022, 244 pages, 19 euros.
 
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