Lire : Marzouki, « Tazmamart : Cellule 10 »
Ahmed Marzouki est un rescapé du tristement célèbre bagne Tazmamart. Il témoigne au début des années 2000, au nom des survivants et des disparus, de l’horreur vécue.
Dans un Maroc post-indépendance, entre monarchie de l’ignominie et généraux sanguinaires, les tyrans dansent une gigue macabre aux nombreuses victimes innocentes. Le 10 juillet 1971, des hauts gradés marocains décident d’exécuter un putsch dans le palais de Hassan II. Aux élèves militaires partis des casernes, les gradés n’ont dit mot, si ce n’est pour évoquer une opération de contre-terrorisme. Le putsch échoue, une partie des hauts gradés sont exécutés. Un simili procès est organisé, Ahmed Marzouki en fait partie.
Un an après, un autre putsch, par voie aérienne cette fois, s’organise contre Hassan II. Celui-ci en sort indemne, encore. Une purge est faite dans l’armée jusqu’au général et ministre de la défense de l’époque.
Ceux dont le régime sait l’innocence sont mis dans le bagne de Tazmamart. Ils sont au nombre de cinquante-huit officiers et sous-officiers. Des cachots étroits et puants en guise de chambre, les habits finiront en lambeaux, hiver comme été, sur les peaux sales des plus chanceux, les survivants, au nombre de vingt-huit. Ceux-ci verront la lumière hors du mouroir, dix-huit ans après le calvaire et les ablations.
La plume d’Ahmed Marzouki est fluide et agréable. Elle happe et nous prend par les tripes pour nous guider délicatement dans les méandres du vécu des bagnards. Aucun pathos dans le récit, la réalité est crachée telle quelle sans apitoiement, simplement l’adaptation au quotidien faite des rires et des larmes de ces emmurés.
Ce livre est un témoignage d’une époque que beaucoup pensent révolue, malgré un régime despote toujours en prédation. La conclusion de lucidité est laissée à Ahmaed Marzouki qui dans un documentaire dédié à Tazmamart [1] dit : « Si [on] donne une autorité à quelqu’un, même si [la] personne est bonne […] il peut devenir satan personnifié [car] le pouvoir change ».
Marouane (UCL Naoned)
- Ahmed Marzouki, Tazmamart : Cellule 10, première édition Gallimard, 2001. Aujourd’hui disponible aux éditions Elyzad, avril 2017, 384 pages, 10 euros.
