Pleins feux

Sobriété : La fin de l’abondance ? Décroissons le capitalisme




Alors que Macron et les capitalistes tentent d’imposer la casse du système social au nom d’une nécessaire « sobriété », il devient urgent de s’organiser contre ce qui s’annonce déjà comme une transition menée par la concurrence entre capitaux.

Le climat se dérègle. Les prix augmentent. Le coût de l’énergie flambe. Les problèmes d’approvisionnements des chaînes mondiales s’accentuent, la pénurie des matières premières s’accélère. Pendant ce temps, dans les principaux médias, certains scientifiques et des représentants politiques reproduisent la pensée hégémonique qu’Emmanuel Macron résumait ainsi : « c’est la fin de l’abondance ». Depuis les années 1980, la classe ouvrière et une partie de la classe moyenne européenne connaissent un
appauvrissement progressif suite à des décennies de néolibéralisme et de déréglementation financière. Baisse
des revenus du plus grand nombre pour soutenir les avantages obscènes des capitalistes.

Inflation de pauvreté

L’été 2022 a confirmé une série de prévisions de longue date : une inflation soutenue au seuil des 10 %, une baisse de tous les indicateurs relatifs à la croissance économique et le chômage qui en découle. Ce dernier complique les velléités de mobilisation visant à corriger l’inflation par des hausses de salaires. La
hausse des prix de 10 % sera unilatérale et assumée de force par la population.
La décroissance capitaliste est une récession. Macron profite de la stratégie du choc. Lui et les autres, en parlant de « la fin de l’abondance » ou d’un « grand bouleversement » préparent insidieusement le terrain aux contre-réformes qui appelleront les travailleurs à plus d’efforts et aux sacrifices d’une classe ouvrière
déjà à bout.
Tandis que les dividendes, la part du travail volée par les actionnaires, bat des records, le gouvernement, sous prétexte de sobriété, continue la casse de notre système social.

La ligne politique libérale et réactionnaire est de s’attaquer, à nouveau, aux allocations chômages pour faire face à « l’urgence » de la pénurie de main d’œuvre. De même la réforme des retraites, de nouveau en tête des priorités gouvernementales, vise à nous faire travailler plus comme solution à ces crises. Alimentation, loyers, essence, chauffage, électricité... Si les luttes et les mobilisations ne s’amplifient pas dans les semaines à venir, l’augmentation sera absorbée en totalité par la baisse du pouvoir d’achat de la grande majorité des prolétaires, salariées ou non. L’inflation est l’un des mécanismes par lesquels la classe capitaliste réduit la part de richesses qui nous reste.

L’une des grandes faiblesses structurelles du système de production mondialisé réside dans sa complexité logistique. Il dépend du mouvement continu d’un grand nombre de composants qui sont fabriqués dans des zones géographiques très spécifiques. Ce système peu flexible suppose un volume de trafic gigantesque géré par un nombre indéterminé d’entreprises, mais qui présente une forte tendance à la concentration.

Situation tendue du commerce mondial

Depuis l’automne 2021, les images de dizaines d’immenses cargos attendant d’accoster dans les ports de Los Angeles, Rotterdam ou Shenzhen sont devenues monnaie courante. Les chaînes d’approvisionnement, déprimées depuis 18 mois, ont à peine pu répondre aux poussées de la demande. Les fermetures partielles d’usines et de ports en Chine, où par ailleurs une bulle immobilière a éclaté, ont aggravé la situation déjà tendue du commerce mondial. Au-delà de la guerre en Ukraine, la vérité est que la tension des prix s’annonçait au moins depuis le début de la pandémie,
au printemps 2020.
Dès l’origine, le système capitaliste est colonial. L’exploitation du Sud global et la mise en concurrence des prolétaires à travers la planète a été compensée en occident par la société de consommation de masse et un sentiment de prospérité. Malgré l’augmentation des inégalités et l’attaque contre les salaires et les protections sociales, les capitalistes tentent de faire passer la pilule par l’accès à la technologie, à la mode et à de la nourriture produite à des prix avantageux par exploitation accentuée de « l’autre moitié » du monde. Si nous reconnaissons comme Paul Crutzen 1 que les activités humaines de production ont atteint les dimensions d’une force géologique, dont les conséquences incontrôlables remettent en cause notre mode de vie ; nous savons que le capitalisme et celles et ceux qui en tirent du pouvoir en sont responsables. Basé sur la prédation et les ressources non payées à leur juste prix ; ce que Moore 2 appelle l’appropriation, historique et actuelle, des « Four Cheaps » : terre-minéraux, énergie, alimentation et travail ; le capitalisme se heurte à ses propres limites. Nous assistons à l’échec des solutions néolibérales apportées aux multiples crises du capitalisme depuis les années 1970. De ce point de vue, la Grande Récession qui a débuté en 2008 a pour fondement la dégradation de l’écologie capitaliste » due
à « une augmentation progressive
du coût des ‘’Four Cheaps’’ ».

Écologie de classe

Corps vulnérables et dépossédés, espèces en voie de disparition, matières premières sous pression et énergies monopolisées sont une seule et même unité d’exploitation. Capitalisme et crise écologique sont intimement liés. Mais le problème n’est pas simplement que le capitalisme détruit la nature ou que cent oligopoles génèrent 60 % des émissions. Plus radicalement que ce système économique est basé sur le non paiement par le capital de ses externalités négatives. La nature n’est pas une ressource externe dont le capital abuse, mais est plutôt intériorisée dans la circulation et l’accumulation du capital. La difficulté actuelle pour l’élite capitaliste et les exploiteurs de ressources humaines et non humaines c’est que l’extraction de la plus-value et le pillage gratuit sont entrés dans une spirale de hausse des prix. Le réchauffement climatique qui menace la vie sur Terre est aussi une menace pour l’accumulation capitaliste elle-même. Le capital se heurte à une énorme contradiction : il épuise et détruit ses sources de richesse. Cette crise pose la nécessité d’un nouveau sujet politique qui réagisse au pillage du temps de travail, des ressources essentielles et de tous les écosystèmes biophysiques. Proposer une société écologique souhaitable, c’est, pour l’instant, s’organiser contre ce qui s’annonce déjà comme une transition menée par la concurrence entre capitaux. Ce ne sera pas facile et il faudra affronter toutes sortes de contradictions, mais nous pouvons dès à présent nous épargner quelques erreurs : ce sujet politique ne peut se fonder sur le dualisme idéologique « société et nature » en opposant d’un côté les luttes syndicales ou l’accès au logement et, de l’autre, les luttes environnementales ou celles du travail reproductif. Face à l’inflation et à l’exploitation, nous avons besoin d’urgence de luttes écologistes et populaires, c’est à dire décoloniales et de classe.
Gines et Mélissa
(Commission Ecologie)

1. Prix Nobel de chimie en 1995, ayant introduit le concept d’anthropocène.
2. Auteur du livre Le capitalisme dans la toile de la vie, opposant le terme de capitalocène à celui d’anthropocène.

 
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