Elections espagnoles : L’amorce d’une reprise du pouvoir




En Espagne, le mouvement hérité des Indignados est parvenu jusque dans les urnes, aux municipales et aux régionales. Si cette victoire électorale est une conséquence du mouvement social, elle n’en est certainement pas l’aboutissement.

Presque un mois s’est écoulé, mais l’enthousiasme ne semble guère s’estomper dans les rues depuis les dernières élections municipales et régionales en Espagne. 8 122 communes et 13 communautés autonomes étaient appelées aux urnes le 24 mai dernier pour élire les représentants qui devront exercer le gouvernement des mairies et des parlements autonomes jusqu’en 2019.

Si on s’en tient aux simples chiffres électoraux, le bilan politique de ces élections ne montre pas des résultats particulièrement inédits d’un point de vue global. Et c’est vrai. La participation électorale se maintient aux alentours du 65 %. Le réactionnaire Parti populaire (PP, Partido Popular) de Mariano Rajoy l’emporte en nombre total de votes, suivi de près par le Parti socialiste (PSOE, Partido Socialista Obrero Español). Le nouveau parti C’s (Ciudadanos) émerge comme la troisième force sur l’échiquier en appuyant son discours, nettement conservateur, sur l’unité nationale et le libéralisme économique. Mais un bilan électoral peut-il traduire une révolution sociale ? Certainement pas. Et surtout, pas après le 15 mai 2011.

La société espagnole a dû subir depuis 2008 les politiques austéritaires destructrices imposées par la Troïka : taux de chômage croissant et précarisation des conditions de vie et de travail ont plongé une grande majorité de la population dans la détresse et l’exclusion sociale. Le manque de perspectives d’avenir a inversé le solde migratoire du pays, expulsant des milliers de nos sœurs et frères migrants qui s’y étaient installé-e-s dans les dernières années : nous sommes actuellement plus de 1,8 million à connaître l’exil économique et à vivre dans la précarité à l’étranger.

La lumière du 15 de Mayo

Cependant, les chiffres ne suffisent pas à comprendre l’ampleur ni l’intensité des mobilisations fleuries depuis 2011. Le 15 de Mayo a représenté une véritable révolution sociale pour cette société espagnole au bord du gouffre et à qui on ne cessait de répéter qu’il était impossible de faire autrement. Ces transformations sont les conditions qui ont amené aujourd’hui deux militantes comme Ada Colau et Manuela Carmena à la tête des mairies de Barcelone et Madrid. La première, militante sociale et antiglobalisation, a été très active dans les mouvements pour un logement digne et cofondatrice de la Plateforme des victimes des hypothèques (PAH) en 2009 ; la deuxième, juge émérite du Tribunal suprême, a été avocate en droit du travail des Commissions ouvrières (deuxième syndicat du pays) pour les droits des travailleurs et des détenu-e-s pendant le franquisme.

Ces élections régionales et municipales sont donc à lire à la lumière du 15 de Mayo qui nous a prouvé, chemin faisant, que tout était à refaire et qu’il n’y avait que nous, la gente común, à pouvoir mettre en place ce changement. Les quatre dernières années ont secoué le champ des possibles de la société espagnole, où le biais électoral n’en est qu’une partie. Mais la réappropriation de l’action politique et la soif de changement se vivent avant tout entre les personnes, dans les organisations militantes, dans les assemblées de quartier, dans les centres sociaux autogestionnaires, dans les coopératives, dans les réseaux de désobéissance, dans les plate-formes contre les expulsions spéculatives. Cette révolution se vit d’abord dans les rues, où l’on entonne encore : ¡Sí se puede ! (Oui, on peut !)

Andrea Rey Lopez (amie d’AL)

 
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