Lutte des classes : quand le syndicat fait école




Comment amener les salarié-es à agir ici et maintenant, et à agir dans une optique de transformation sociale ? Question cruciale pour ceux et celles (à AL et ailleurs) qui se réclament du syndicalisme révolutionnaire. Deux voies complémentaires existent pour cela : la pratique des luttes collectives d’une part, la formation syndicale d’autre part.


Cet article est issu d’un dossier spécial sur l’éducation populaire


« Le syndicalisme est le mouvement de la classe ouvrière qui veut parvenir à la pleine possession de ses droits sur l’usine et sur l’atelier ; il affirme que cette conquête en vue de réaliser l’émancipation du travail sera le produit de l’effort personnel et direct exercé par le travailleur. A la confiance dans le dieu du prêtre, à la confiance dans le pouvoir des politiciens inculquées au prolétaire moderne, le syndicalisme substitue la confiance en soi ; à l’action étiquetée tutélaire de Dieu et du Pouvoir, il substitue l’action directe – orientée dans le sens d’une révolution sociale – des intéressés, c’est-à-dire des salariés. » [1]. C’est par ces belles lignes qu’en 1909 l’ex-secrétaire de la CGT, Victor Griffuelhes, débutait une brochure de vulgarisation sur le syndicalisme. L’esprit de l’éducation populaire saute aux yeux.

Ouvrières immigrées en première ligne

Les luttes collectives, qui permettent d’expérimenter intimement la confrontation avec l’ordre établi, sont des vecteurs d’émancipation de première importance.

Parmi bien d’autres, et sans les idéaliser, on peut évoquer à ce titre deux luttes animées par des syndicats SUD ces dernières années : la grève des sans-papiers de Man-BTP en 2008-2009 à Paris 20e et la lutte des ouvrières et ouvriers du nettoyage SNCF en 2013  [2].

Les sans-papiers sont souvent dotés d’une conscience aigüe des rapports de domination et d’exploitation. La lutte de Man-BTP, relativement auto-organisée, a permis à des centaines d’ouvriers de sortir de l’ombre et de conquérir leurs cartes de séjour et leur dignité.

Quant à la grève du nettoyage de 2013 à la SNCF, elle a engendré des actes de solidarité entre travailleurs du privé et cheminots. Les ouvrières immigrées, en première ligne, ont emporté le combat et n’ont plus craint de s’impliquer syndicalement !

Dans les deux cas, l’expérience acquise a été spectaculaire, structurante pour les individus comme pour le groupe.

En matière de formation, on ne peut cependant pas tout attendre des luttes collectives. Dans la période actuelle, elles ne sont hélas pas si nombreuses, et ne touchent que très inégalement les différents secteurs du prolétariat. Avant et après les conflits sociaux, il est donc nécessaire de diffuser tous les savoirs et outils utiles pour mieux se bagarrer.

Sur les bancs du Cefi-Solidaires

Comme d’autres organisations syndicales, l’union Solidaires a fondé un institut de formation syndicale, le Centre d’étude et de formation interprofessionnel (Cefi-Solidaires), qui travaille en partenariat avec les réseaux d’éducation populaire.

L’enjeu est de transmettre des valeurs, une éthique, des outils juridiques, un esprit « lutte des classes » et des pratiques autogestionnaires aux milliers de militantes et de militants qui y transitent chaque année. Accueillant principalement des animatrices et animateurs de syndicats, dans le privé comme dans le public, des délégué-e-s du personnel, des élu-e-s au comité hygiène sécurité conditions de travail (CHSCT) et au comité d’entreprise, les formations sont assurées, en majorité, par des équipes de Solidaires ayant une expérience de terrain. Des brochures de formation complètent l’ensemble.

Transmission des valeurs et des savoirs-faire : cet enjeu est d’autant plus important pour Solidaires que son développement – 110.000 adhérents aujourd’hui – se fait avec des générations de travailleurs et de travailleuses qui n’ont pas été marquées par l’effervescence des débats et des luttes des années 1970, contrairement à la génération fondatrice.

L’expérience de la lutte collective, une formation autogestionnaire : l’avenir du mouvement ouvrier se joue là.

Marcos Vega (AL Paris nord-est)

[1Victor Griffuelhes, Le Syndicalisme révolutionnaire, 1909

 
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