Russie : Liberté pour Koltchenko et Sentsov !




Le militant ukrainien Alexandr Koltchenko et le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov attendent leur procès en Russie. Face à une justice aux ordres du pouvoir, et d’autant plus dure que les difficultés géopolitiques et économiques du pays s’accroissent, la mobilisation doit s’amplifier.

C’est à Rostov-sur-le-Don en Russie, dans cette partie du Caucase située près de la frontière est de l’Ukraine qu’Alexandr Koltchenko et Oleg Sentsov doivent être jugés, a priori entre le 5 et le 15 juillet.
Alexandr Koltchenko est un militant anarchiste, antifasciste, écologiste et syndicaliste étudiant ukrainien âgé de 22 ans. Il est étudiant en géographie. Avant son arrestation le 16 mai 2014, il vivait en Crimée. C’est un militant libertaire connu pour son activisme dans la région. Il combat avec les groupes libertaires et antifascistes depuis des années la montée d’organisations racistes et fascistes comme Svoboda (Liberté) et Pravy Sektor (Secteur droite), les deux principaux mouvements d’extrême droite ukrainiens. Écologiste, il a participé à des mobilisations contre des grands projets inutiles et imposés.
Syndicaliste étudiant, il s’est impliqué pour l’amélioration des conditions d’études à l’université.

Anarchiste, il se bat pour une société débarrassée de l’état, du capital et du nationalisme incarné aussi bien par le pouvoir ukrainien que par le pouvoir russe. C’est ce qui l’a amené à participer à l’organisation de manifestations en Crimée contre l’annexion de cette région par la Russie et la mise en place d’un système politique dictatorial. Ce dernier l’accuse d’action et de préparation d’attentats terroristes contre des monuments, bâtiments officiels ou d’organisations pro-Poutine comme Russie unie et des infrastructures... pour le compte de l’organisation fasciste Pravy Sektor ! Alexandr ne nie pas s’en être pris avec ses camarades à des symboles du pouvoir russe et d’avoir contesté les organisations qui défendent le système dictatorial russe, mais réfute l’accusation de terrorisme et le fait d’avoir préparé et mené à bien des attentats. Il encourt une peine de dix à quinze ans de détention.

Verdict dicté par Poutine

Oleg Sentsov est un cinéaste ukrainien. Il est jugé dans la même affaire, pour les mêmes faits. Les autorités russes l’accusent d’être le « cerveau » du « groupe terroriste ». Il risque une peine allant de vingt ans de détention à la prison à vie.

Deux autres personnes inculpées, Alex Cirny et Guennady Afanassiev ont fait le choix de collaborer avec les autorités russes, chargé Koltchenko et Sentsov et ont déjà été condamnées à sept ans de camp de travail. Enfin quatre autres personnes sont recherchées par les autorités russes dans la même affaire.

Pour Koltchenko et Sentsov, le verdict risque d’être conforme à la loi russe. Dans pareille affaire, il est dicté aux juges par Poutine et son gouvernement.

Il témoigne d’un durcissement qui s’explique par le contexte économique et géopolitique.

En Russie, la croissance économique connaît un net ralentissement depuis plus d’un an. La baisse du cours du pétrole et du gaz, qui en constitue le principal levier, ainsi que les sanctions économiques des états occidentaux du fait de l’implication du pouvoir russe dans l’annexion de la Crimée et la guerre en Ukraine, restreignent les marges de profit de la caste des oligarques et autres capitalistes, dont Poutine et sa bande sont à la fois des membres et les représentants politiques.

Les tensions géopolitiques se multiplient avec les États-Unis et l’Union européenne du fait de la guerre en Ukraine. La décision récente de déployer quarante missiles à tête nucléaire en direction des voisins européens de la Russie attisent les tensions avec la Pologne et les pays baltes qui multiplient les manœuvres militaires en réponse et contribuent à alimenter la peur d’une menace russe sur leurs territoires. Le projet de redonner à la Russie un statut de grande puissance politique et militaire est toutefois bien réel et le pouvoir russe ­l’utilise comme un levier pour asseoir son pouvoir.

C’est ainsi qu’on peut expliquer le renforcement de l’arsenal législatif visant à étouffer un peu plus l’opposition en Russie comme dans les territoires ukrainiens annexés. L’état russe travaille à serrer un peu plus la vis en projetant de durcir la loi sur les conditions de détention.
On comprend ainsi un peu mieux le rôle que doit jouer le procès Koltchenko-Sentsov, à savoir un message de propagande envoyé à toutes et tous les opposants progressistes russes et ukrainiens : « Soumettez-vous ou nous vous briserons ! »

Nouveau goulag

En Ukraine et en Russie, plusieurs groupes d’opposition multiplient les rassemblements et les proclamations exigeant la liberté pour Koltchenko et Sentsov. Ils sont toutefois peu nombreux et agissent dans des conditions très difficiles. L’un d’entre eux, l’Anarchist Black Cross de Moscou a appellé à une mobilisation internationale en faveur des deux coaccusés entre le 30 juin et le 5 juillet.

En France, des débats et des rassemblements ont eu lieu à cette occasion 1. Ils visent à soutenir les deux coaccusés et au-delà toutes celles et ceux qui se battent contre la tyrannie russe et plus largement contre les nationalismes russe et ukrainien. Ils doivent aussi permettre d’attirer l’attention sur le système de la colonie pénitentiaire russe qui n’a rien à envier à son ancêtre, le goulag.

Laurent Esquerre (AL Paris-Nord-Est)

 
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