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Kanaky : nouvelle défaite victorieuse




Le deuxième référendum sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie qui s’est tenu le 4 octobre dernier s’est soldé par un échec du oui à l’indépendance. Cependant la perspective d’une rupture avec l’ordre colonial à encore de l’avenir.

Lors de la première consultation sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, le 4 novembre 2018, les indépendantistes avaient pu fêter leur « glorieuse défaite » avec un score inattendu de 43,3 % alors que les «  loyalistes  » partisans du statu quo colonial escomptaient que ce premier rendez-vous électoral allait permettre de «  purger  » définitivement la revendication de souveraineté du peuple kanak. Il n’en fut rien et nous avions alors pu titrer «  Nouvelle-Calédonie  : un caillou dans la chaussure  » dans le numéro 289 d’Alternative libertaire.

La nation Kanak maintient son cap : la souveraineté

La participation massive de tout le corps électoral, toutes tendances confondues (85,6 %) révèle que, aussi bien les jeunes que les nouveaux inscrits, ainsi des abstentionnistes de 2018, se sont mobilisés. La progression significative du vote indépendantiste (plus de 3 points, avec 46,7 %) dans une unité retrouvée, au moins quant à ce rendez-vous électoral, entre le FLNKS [1], ses différentes composantes, et l’USTKE-PT [2] aboutit à une diminution de l’écart des voix entre les deux camps  : de 18 000 en 2018 à environ 10 000 en 2020. Les résultats de ce deuxième round ont obligé les «  loyalistes  » à reconnaitre que la revendication d’indépendance avait « du vent dans les voiles » (dixit Philippe Gomes du parti Calédonie ensemble). D’autant qu’une analyse plus fine montre la progression du oui à l’indépendance dans les différentes communautés non-Kanak, y compris dans des fiefs tenant du statu quo, comme Nouméa ou Bourail.

D’ailleurs s’il en était encore besoin, à nouveau la démonstration est faite que les Kanak (qui ne représentent actuellement plus que 39 % de la population totale du territoire à la suite des différentes politiques de peuplement) ne forment pas seulement la plus importante des différentes communautés de l’archipel, mais qu’il s’agit bien d’une nation ou un d’un peuple sur son territoire comme l’a rappelé Daniel Goa, président de l’Union calédonienne dans un texte post-référendum. La nation Kanak maintient le cap pour recouvrer sa souveraineté confisquée en 1853, puis escamotée dans les années 1960.

Nos amies Kanak nous ont plusieurs fois montré que leur culture savait prendre en compte le temps long  ; et d’aucuns, avant même l’échéance de 2018, postulaient sur une stratégie en trois temps. Et si nous nous en tenons à une projection mathématique des gains à la fin de partie actuelle, reportés à la fin des prolongations de la 3e mi-temps, nous obtenons un 50,18 % en 2022  ! Un quasi 50-50 avec un petit écart – ô combien symbolique  ! – pour le vote en faveur de l’indépendance. Ce sera plus qu’un caillou dans la chaussure coloniale  : un beau gros galet qui empêchera de marcher tout tenant du statu quo actuel.

AP Photo / Mathurin Dere

Communauté de destin contre statu quo colonial

Bien sûr, un tel résultat amènerait sans doute à faire le deuil, d’un côté d’une Calédonie française pure et dure, de l’autre d’une indépendance totale de la Kanaky, si tant est que la notion d’indépendance complète ait encore un sens dans le monde global d’aujourd’hui, aussi bien pour la France elle-même que pour la future Kanaky. En son temps, le leader indépendantiste Jean-Marie Tjibaou avait déjà magnifiquement résumé la question  : « La souveraineté nous donnera le droit et le pouvoir de négocier les interdépendances. Pour un petit pays comme le nôtre, l’indépendance, c’est de bien calculer les interdépendances [3]. » Déclarer l’indépendance pure et dure sur la base d’un résultat à quasi-égalité n’aurait aucun sens d’autant que les populations non-kanak ne quitteront pas le territoire, ce que les dirigeants indépendantistes n’ont d’ailleurs jamais réclamés en prenant en compte, dans une sagesse remarquable, les « victimes de l’Histoire » et leurs droits à rester au pays.

Dès à présent, troisième référendum ou pas – mais gageons que, avec la brise favorable actuelle, les élues indépendantistes le réclameront dans six mois pour mieux creuser le sillon  ! – toutes les parties ont une obligation d’aboutir et sont condamnées à réussir le projet de communauté de destin sur la base du meilleur compromis possible et acceptable de chaque côté, loin de tout affrontement ethnique auquel ne peuvent rêver que les irresponsables.
Sans conclure, bon vent pour arriver à bon port de la construction de la grande case calédonienne ouverte aux autres dont le peuple kanak sera le mât central !

Longue vie à la Kanaky –Nouvelle-Calédonie souveraine  ! Oléti (merci)  !

Daniel Guerrier et Christian Mahieux,
collectif Solidarité Kanaky

[1Le Front national de libération kanak et socialiste rassemble l’Union calédonienne (UC) et l’Union nationale pour l’indépendance (UNI) comprenant aujourd’hui le Parti de libération Kanak (PALIKA) et l’Union progressiste en Mélanésie (UPM) et, jusqu’en 2009, le Rassemblement démocratique océanien (RDO).

[2L’Union syndicale des travailleurs Kanak et des exploités est sorti du FLNKS en 1989. En 2007, le syndicat a créé le Parti travailliste (PT).

[3Interview dans Les Temps modernes no 464, mars 1985.

 
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