Sanite, Marie-Jeanne, Solitude : Trois héroïnes de l’émancipation aux Antilles




Pas davantage que la Révolution française, la Révolution haïtienne ne fut féministe. Certes, elle libéra une contestation féminine collective puisque, après l’abolition de l’esclavage, sur certaines plantations, les cultivatrices luttèrent contre l’inégalité de rétribution. Mais pour le reste, même si les femmes esclavisées s’engagèrent massivement dans l’insurrection de 1791, puis dans la résistance populaire en 1802, elles n’eurent qu’exceptionnellement accès aux grades militaires et aux responsabilités civiles.

Les femmes participèrent massivement à l’insurrection de 1791, puis à la résistance populaire en 1802, mais elles restent, pour l’essentiel, anonymes.
Agostino Brunias, Les femmes de couleur avec leurs enfants et serviteurs dans un paysage (1764-1796).

Des quelques figures passées à la postérité, on sait en réalité peu de choses, encombrées d’inventions. Citons trois d’entre elles.

cc Richard Barbot

Sanite Bélair (1781-1802) fut une des rares femmes à devenir sous-officière (sergente, puis lieutenante) dans les troupes de Toussaint Louverture. En mai 1802, elle ne digéra pas la reddition de Toussaint et, dès août, elle reprit les armes au côté de son compagnon et partenaire, le général Charles Bélair. Elle fut capturée au début de septembre 1802, et Charles se rendit dans l’espoir de la faire libérer. Las, Dessalines les livra tous deux aux Français. Lui fut fusillé. Elle aurait dû être décapitée, mais demanda, en tant qu’officière, à être également fusillée. Le bourreau, malgré ses efforts, ne put la courber sur le billot, et elle mourut telle qu’elle l’avait exigé, debout et sans bandeau sur les yeux. La foule du Cap-Français, qui assistait à l’exécution, en fut bouleversée.

cc Akomicsart

Marie-Jeanne Lamartinière est une autre héroïne de la révolution. Lavandière mulâtre, elle avait épousé Lamartinière, un officier de Toussaint Louverture et, avec lui, en mars 1802, elle dirigea la défense du fort de la Crête-à-Pierrot durant trois semaines. Selon l’historien Thomas Madiou, à chaque assaut français, elle allait « affronter la mort sur les remparts. Une ceinture d’acier, à laquelle était suspendue un sabre, entourait sa taille, et ses mains armées d’une carabine envoyaient hardiment le plomb meurtrier dans les rangs français. » La figure de Marie-Jeanne est couramment mobilisée dans l’iconographie haïtienne autour de la guerre d’indépendance.

cc Jacky Poulier

Solitude (?-1802), probablement fille d’un maître blanc et d’une Africaine esclavisée, « la Mulâtresse Solitude » vivait à la Guadeloupe. En 1802, à l’appel de l’officier de couleur Joseph Ignace, elle rejoignit la rébellion s’opposant au rétablissement de l’esclavage, dans les rangs du capitaine Palerme. Peu avant le baroud d’honneur des ultimes combattants de Delgrès, elle fut capturée par les Français et condamnée à mort. Elle était alors enceinte de quelques mois. Solitude resta en prison jusqu’à son accouchement, avant d’être suppliciée.

Guillaume Davranche (UCL Montreuil)


Les autres articles du dossier

 
☰ Accès rapide
Retour en haut